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9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 08:21

Glucksmann, ou l'amour du grand homme

par Jean-Marie Laclavetine*

 

 

"Pourquoi je choisis Nicolas Sarkozy"... Voyons, Glucksmann, il n'était pas vraiment utile de le préciser. Vous partagez tant de choses avec lui. Ce n'est pas un choix : c'est une pente, c'est un destin. Comme Nicolas, vous êtes empli d'un immense amour de vous-même et des hommes forts. Vous avez vénéré Mao, vous admirez George W. Bush, vous auriez adoré Picrochole, fût-ce pour en faire la cible de vos fulgurantes diatribes.

Il y a trente ans, vous professiez votre enthousiasme pour la pensée du Grand Timonier, tandis que les pires sourds entendaient venir de là-bas la rumeur de massacres sans équivalent quantitatif dans l'histoire de l'humanité, nazisme compris. Votre petite erreur d'appréciation, reconnue bien des années plus tard, vous a rendu naturellement très regardant sur la question des droits de l'homme en Chine, et l'on comprend que vous tanciez Ségolène, qui manque un peu de virulence dans sa condamnation du régime de Pékin. Vous savez de quoi vous parlez.

J'ai passé ma vie, vous récrierez-vous, à combattre les tyrans : Saddam, Poutine... C'est vrai. Vous frappez à la tête, toujours. Vous n'êtes à votre aise que dans le voisinage fantasmé des puissants de ce monde, que vous vous plaisez à considérer comme vos interlocuteurs - pour les encourager ou pour les affronter en des joutes terribles.

Nous sommes désormais habitués aux combats menés pour la galerie cathodique par les titans de la pensée française. Moi et George Bush, moi et Saddam, moi et Sharon, moi et Bouteflika, moi et le Che, moi et le pape, moi et Fidel, moi et Mitterrand, moi et de Gaulle. Un peu comme Nicolas, en somme, ce Nicolas dont vous faites sans rire un descendant d'Hugo et de "la France du coeur", en référence sans doute aux Restos du même nom, où il envoie ses pandores effectuer des rafles, sûrs qu'ils sont de trouver autour des gamelles de soupe leur ration de sans-papiers ; ce Nicolas héritier de Jaurès qui prône la restriction du droit de grève et le démantèlement du code du travail ; ce Nicolas qui glorifie l'abbé Pierre tout en faisant cueillir par ses gendarmes des enfants trop foncés dans les salles de classe.

Mais tout cela, n'est-ce pas, se passe dans ce minuscule Hexagone que vos regards dédaignent.

Votre jeunesse s'est vouée à d'horribles idoles, cependant vos égarements passés ne vous empêchent pas de prétendre continuer à éduquer le peuple. Comme hier, il vous faut un puissant à aduler, un méchant à honnir, et des oreilles complaisantes pour y déverser vos vastes théories. La gauche française s'est misérablement "repliée sur l'Hexagone". Que n'a-t-elle pris exemple sur vous, qui arpentez d'un pas martial la planète en flammes ! On vous a vu, avec quelques-uns de vos camarades, parader devant les chars américains qui partaient écrabouiller une armée de gamins irakiens munis de pétoires, pour la plus grande gloire de l'Occident chrétien, dont vous êtes devenu un apôtre ardent (et pour le plus grand bénéfice des islamistes qui sont votre prochaine cible. Tremble, Oussama !).

Quelques années après, quelques dizaines de milliers de cadavres après, alors que l'Irak s'enfonce dans un chaos dont nul ne voit la fin, debout sur les ruines, vous continuez de vous féliciter de cet engagement : n'êtes-vous pas venu à bout de l'infâme despote ? Nous en reparlerons - pardon, vous en reparlerez - dans trois ou cinq ans : deux regrets, trois anathèmes, et quelque glorieux combat à proposer aux populations endormies. On est impatient de découvrir quel nouveau grand homme vous aurez choisi alors.

*Jean-Marie Laclavetine est écrivain.

Sources Le Monde

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