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14 février 2007 3 14 /02 /février /2007 14:58

Chacun son tour, aujourd'hui, Michel Onfray etrille Ségolène Royal. C'est moins drôle que son billet sur Sarkozy mais je dois manquer d'objectivité.

A lire ainsi que les commentaires sur la posture adoptée. (en se rendant sur son site).

Le barnum participatif

Que s’est-il passé dans ce siècle que nous ayons besoin de recourir à cette redondance, sinon à ce pléonasme, d’une « démocratie participative » ? Il existerait donc des démocraties qui ne le seraient pas ? Certes, la démocratie grecque, dont j’ai déjà écrit combien elle cachait une oligarchie, n’avait pas grand-chose de démocratique. De même, les démocraties populaires des pays de l’Est, abusivement dites démocraties et fautivement nommées populaires, qualifiaient bien plutôt des dictatures d’oligarques.
Plus proche de nous, la démocratie parlementaire qui donne le pouvoir à des élus dont la sociologie et la couleur politique ne coïncident pas du tout avec les suffrages des électeurs tourne également le dos à ce que devrait être la démocratie - pour mémoire : vingt-deux députés et vingt-trois sénateurs pour un Parti Communiste à 3.37%, trente députés pour un UDF à 6.84 %, et zéro représentants à l’assemblée nationale, zéro au sénat, pour un Front National à 17.79% , un parti dont, chacun s’en souvient, le candidat fut présent au deuxième tour d’une élection présidentielle …. Sur le modèle du chiffre électoral communiste, le parti de Jean-Marie Le Pen devrait disposer aujourd’hui d’une centaine de députés et d’autant de sénateurs… Que ces trois types de démocraties affichées comme telles n’aient pas été démocratiques, chacun le voit bien…
Mais quid de cette démocratie participative à même d’empêcher ces ratages politiques ? Quand, où et comment, participe-t-on habituellement à la démocratie ? Bien souvent, et pour la plupart des citoyens qui ne disposent pas d’un mandat, en votant une fois dans les nuées avant de retourner à son quotidien. En dehors de ces périodes, la machine démocratique semble bien lointaine, relativement oublieuse du peuple, et nullement désireuse de le solliciter à nouveau une fois joué le jeu de la représentation. On investit des tiers qui nous représentent et, la plupart du temps, ces tiers groupés deviennent des élus qui votent comme un seul homme selon la consigne de leur parti en abdiquant liberté, autonomie et esprit critique. Une personne inscrite dans un parti renonce à l’usage de son intelligence ; l’élu d’un parti, lui aussi, et plus encore. Du peu de démocratie, donc, de la démocratie des partis …
Qu’existent ce genre de dysfonctionnements et un divorce radical entre le citoyen et son représentant, nul n’en disconvient. Mais comment rabibocher ces deux là ? Ségolène Royal a mis en place un double médicament pour enrayer le mal : les réunions publiques de démocratie participative et les jurys citoyens – dans lesquels Le Pen croit sentir le parfum de la Commune, j’aimerais tellement qu’il ait raison !
La méthode paraît étrange, nulle et non avenue : quel besoin y a- t- il de multiplier les rendez-vous citoyens pour constituer un programme présidentiel en se rendant dans les salles polyvalents municipales des villages et sous-préfectures afin d’écouter les doléances des gens de peu ? Car, de deux choses l’une : ou Ségolène Royal ignore l’étendue des dégâts en matière de misère sociale dans le pays, et elle est sotte, définitivement sotte, crétine sidérale, inculte définitive, inapte congénitale ; ou elle ne l’ignore pas, alors, dans ce cas elle est cynique, démagogue et populiste au dernier degré – et les deux dernières épithètes sont utilisées selon leur véritable signification et non pour leur valeur d’insulte. Dans un cas comme dans l’autre, soit nous avons affaire à une crétine, une inculte, une inapte, soit à une cynique, une démagogue, une populiste, l’alternative n’est guère réjouissante…
Ségolène Royal qui prétend à l’investiture suprême dans la République a-t-elle réellement découvert en faisant son tour de France participatif qu’une mère de famille peut interdire à sa petite fille de se rendre à un anniversaire parce que, trop pauvre, elle ne pourra rendre l’invitation ? Cette femme qui disposerait du feu nucléaire en cas de succès électoral dans quelques semaines a-t-elle vraiment eu besoin de se rendre dans un village de la France profonde pour apprendre que des gens aux revenus modestes doivent emprunter pour régler les frais d’obsèques d’un parent ? Cette héritière sur le papier de Jaurès et de Blum a-t-elle sérieusement appris dans une salle des fêtes municipale que les adolescents à la peau bronzée se font plus souvent arrêter pour des contrôles de police dans la rue ? Si oui, alors cette femme est une catastrophe…. Nous avons affaire à une demeurée à lequel, pour rien au monde, on ne doit confier les affaires de la Nation.
Si non, ce que je crois, alors pourquoi ce cirque ? Quelles raisons justifient ce pitoyable cinéma ? Deux ou trois : la prévalence de l’image, la tyrannie du look, le concept publicitaire, l’idée marketing, la victoire de la fumée, le règne de l’apparence : il s’agit pour la candidate de montrer qu’elle est proche des vrais gens – avec des guillemets à tous les mots. Ce qui veut dire, de fait, qu’elle ne l’est pas puisqu’il lui faudrait le démonter avec des ficelles aussi grosses. Cette idée est si nulle qu’elle pourrait être de Jacques Séguéla. Un pareil barnum permet de gagner du temps et de cacher pendant des semaines précieuses la misère d’une absence de programme dont on a récemment et sans surprise découvert la conformité à l’habituel projet socialiste.
Je persiste : dans l’esprit de la constitution de la V° République – que jusqu’à nouvel ordre, et nonobstant Montebourg, Ségolène Royal ne remet pas en cause- cette élection au suffrage universel direct suppose une figure capable de rencontrer l’Histoire autrement que sous la forme d’un débat participatif. Mieux : cette figure doit disposer d’une capacité à sentir l’Histoire avant même qu’elle ait eut lieu. La prévision, le flair, l’instinct, l’intuition – le Général de Gaulle était lecteur et amateur de Bergson…-, l’inspiration, la grâce, l’énergie, voilà des qualités nécessaires pour incarner un Peuple, une Nation , une République, sinon une Révolution. Imagine-t-on, à Colombey-les-deux Eglises, en juin 1940, un débat citoyen de démocratie participative dans la salle communale près du monument aux morts, à côté de l’Eglise, pour savoir si, oui ou non, il fallait inscrire l’Appel du 18 juin au programme de l’année en cours?
Le second temps du dispositif néo-démocratique de Ségolène Royal est le jury populaire. Si les citoyens, insensibles aux clystères médiatiques, étaient imprégnés de république cicéronienne, de contrat social hobbesien, de volonté générale rousseauiste, s’ils étaient indemnes des passions tristes spinozistes – parmi lesquelles l’envie, la jalousie, le ressentiment, l’étroitesse d’esprit, la petitesse -, cette belle et noble idée, généreuse, serait un cordial définitif : une panacée dont on aurait tort de se dispenser. Mais les hommes sont ils ainsi ? Epargnés par les pensées mesquines, tout entiers habités par l’envie d’être un citoyen à la mode de Caton d’Utique ?
Je crains que non. De sorte que le jury populaire flattera le peuple, certes, mais il enrayera la démocratie, puis l’engluera dans des débats sans fins, stériles. La logomachie des conseils municipaux de province s’étendra à toute la Nation. « L’esprit de petite ville » cher à Georges Palante, mon amour de jeunesse (Lisez, entre autre, son Combat pour l’individu aux éditions Coda) soufflera sur toute la République qui ne bruira plus que des inepties des groupes de paroles sanctifiés comme le travail de la démocratie.
On peut aimer le Peuple sans le flatter, sans lui laisser croire qu’il dispose du fin mot de toute affaire, qu’il porte la vérité, de fait, pace qu’il est Peuple : il suffit, pour ce faire, de mener la politique qui lui donne sa place : ni rien, comme en ce moment, et depuis tant d’années, ni tout, comme dans les pires moments de l’histoire où la foule conduite par ses seules passions tristes était l’arbitre mal inspiré des élégances politiques. Le Peuple mérite mieux que le populisme ; la Démocratie mieux que la démagogie.

Michel Onfray

A boire et à manger. Beaucoup de commentaires justes mais toujours dans l'outrance, la polémique, la recherche du bon mot. Une posture qui rappelle beaucoup celle de votre ennemi Glucksmann et c'est dommage.
Entre plusieurs maux il faut choisir le moindre.
Le "tous pourris" est confortable et peut être une insulte envers les braves gens, les militants qui peuvent être sensibles à vos remarques mais acceptent de se mouiller et de se compromettre.
La situation des travailleurs ne sera pas tout à fait la même avec le nouveau Sarkozy ou Ségolène Royal.

Ecrit par : deslilas | 14 février 2007

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