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15 février 2007 4 15 /02 /février /2007 16:01

extrait du blog de Thierry PECH sur le nouvelobs

14.02.2007

Le clivage gauche-droite

Rendez-vous sur France Inter hier à 7h00 du matin pour une discussion en compagnie de Max Gallo et de Bernard-Henry Lévy, dans le décor quasi-muséographique du café de Flore. L’échange roule à plusieurs reprises sur le clivage droite-gauche. A-t-il encore un sens, demande-t-on à chacun des invités.

Pour BHL, c’est oui, mais à l’ombre d’un combat autrement spectaculaire : celui des anti-totalitaires contre les complices de la tyrannie et de l’oppression. Et BHL de s’emporter : il votera pour celui qui promettra d’empêcher les massacres au Darfour, de faire toute la lumière sur le Rwanda, etc. Qui pourrait contester l’ardente justice de ces revendications ? Pas moi, en tout cas.

Et pour Max Gallo ? C’est oui aussi, mais un tout petit oui, un oui de politesse, aussi mince qu’un sourire. Oui, le clivage gauche-droite a encore un sens, poursuit-il, mais il est secondaire par rapport à l’urgence d’un « dépassement national », d’une forme de sainte alliance face aux menaces qui pèsent sur le pays. Et Max Gallo de dérouler le catalogue habituel des millésimes et des grands hommes : 1940, 1958, De Gaulle… Un véritable tsunami de Majuscules tricolores balaie soudain nos misérables considérations sur la société et l’économie françaises.

BHL et Max Gallo, chacun dans une rhétorique inoxydable, illustrent deux manières de faire disparaître la question : l’exposer au soleil unanime de grandes causes irrécusables, ou la chasser en invoquant les vents impétueux de l’Histoire nationale et des situations d’exception.

Il en est une troisième qui n’a pas été évoquée hier matin, mais qui circule beaucoup ces temps-ci : le clivage gauche-droite serait à l’agonie du fait d’une droitisation générale du paysage politique. En parlant famille, ordre, autorité, sécurité… la gauche aurait rendu les armes aux pieds de la droite.

Cette observation est erronée pour au moins deux raisons. La première est que, si l’on tient à juger de ce clivage par les thèmes les plus récurrents de la campagne, alors il faudrait plutôt parler d’une gauchisation des débats. Car c’est sur des terrains réputés de gauche que campe la discussion depuis plusieurs semaines : pouvoir d’achat, travail, logement…

La seconde est plus fondamentale. Contrairement aux idées reçues, la gauche n’a pas toujours regardé la famille, l’ordre ou même la nation comme des valeurs étrangères. Le socialisme lui-même est né d’une hostilité à l’anomie individualiste, à ce qu’il considérait comme un puissant facteur de désordre et de destruction des liens sociaux. Les républicains (de gauche) se rallièrent pour la plupart à un patriotisme de combat à la veille de la Première Guerre mondiale. En outre, faut-il rappeler que, si un camp a trahi la nation dans notre histoire, ce fut plutôt la droite que la gauche.

Le mouvement des idées politiques est donc infiniment plus complexe que ne le laisse penser celui de quelques bruyants transfuges. Le clivage gauche-droite a toujours été mouvant. Dans le cycle qui s’est ouvert en 1968, on s’est habitué à associer la gauche à la défiance à l’égard de l’ordre, à la libération des mœurs, voire à la haine des familles. Ce cycle est sans doute sur le point de se refermer. Et l’on commence à peine à redécouvrir que le clivage gauche-droite ne passe pas entre les thèmes, mais sous chacun de ces thèmes.

Il existe, par exemple, une idée de gauche de la famille comme il en existe une idée de droite. Si l’on pense, comme le sociologue danois Gösta Esping-Andersen, que la famille peut être l’instrument d’une politique de réduction des inégalités de destin entre les enfants, alors la famille peut devenir une institution de gauche. Si l’on pense, comme Dominique Méda et Hélène Périvier, que l’emploi des femmes et singulièrement des mères isolées est le meilleur rempart pour prémunir leurs enfants contre la pauvreté, alors la famille peut être le levier d’une plus grande égalité des chances. Si l’on pense, en revanche, que la famille est le substitut naturel d’un Etat-providence volontairement amaigri, si l’on assigne aux dépendances familiales des jeunes et des vieux peinant à gagner ou à conserver leur autonomie, alors on nourrit une idée de la famille qui me semble plus clairement de droite. De même, si l’on pense que la famille est une institution dont les richesses patrimoniales doivent être tenues à l’abri de tout effort redistributif, alors on tire vers une conception bourgeoise et quasi dynastique de la famille qui me semble manifestement conservatrice.

Oui, le clivage gauche-droite existe. Il est même plus pertinent que jamais.

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14 février 2007 3 14 /02 /février /2007 17:13

Un point de vue publié il y a quelques mois par LE MONDE DIPLOMATIQUE

 

M. Sarkozy déjà couronné par les oligarques des médias ?
Adossés à des sondages dont la fiabilité est pourtant nulle plusieurs mois avant l’échéance, les principaux médias français présentent comme jouée l’élection présidentielle du printemps prochain : son second tour opposerait donc M. Nicolas Sarkozy à Mme Ségolène Royal. Si tous deux tirent un même profit de la personnalisation inouïe des enjeux, M. Sarkozy dispose d’un atout spécial. Jamais dirigeant politique n’avait bénéficié autant que lui de l’appui des patrons de presse.
Par Marie Bénilde

La courte défaite électorale de M. Silvio Berlusconi, en avril 2006, a porté un coup au système clanique italien, bien déterminé à contrôler l’opinion grâce à un mélange de marketing politique, d’intérêts croisés avec la presse et l’édition, et de mainmise directe ou indirecte sur le paysage audiovisuel. Certes, un an plus tôt, en France, le référendum sur la Constitution européenne établissait qu’il ne suffisait pas de disposer de la quasi-totalité de l’espace médiatique pour convaincre une majorité de citoyens. Toutefois, la perspective de l’élection présidentielle, au printemps 2007, va permettre d’apprécier si un laborieux travail de domestication des médias ne finit pas, malgré tout, par se révéler payant. N’est-ce pas ainsi que certains ont interprété la réélection à la tête de l’Etat de M. Jacques Chirac en 2002, sur fond de campagne de presse matraquant le thème de l’insécurité ?

Tout est en place, en tout cas, pour favoriser l’intronisation de M. Nicolas Sarkozy à l’Elysée. Chef du principal parti de droite, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), ministre de l’intérieur et président du conseil général du département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, l’homme s’est employé à construire depuis vingt ans un étonnant réseau d’influence dans les médias. Au service de ses ambitions suprêmes. Ce réseau a une nouvelle fois donné sa mesure pendant l’été 2006. Le nouveau livre de M. Sarkozy, Témoignage (Xo, Paris), paru en juillet, fut aussitôt salué par une couverture souriante du Point (la troisième en quatre mois) et, entre autres exemples, par un entretien d’une complaisance presque burlesque avec Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Pour l’intervieweur et patron de la radio privée appartenant au groupe Lagardère – qui comprend aussi Paris Match, Le Journal du dimanche, Elle... –, M. Sarkozy a cette qualité remarquable qu’il refuse la « docilité ». Une vertu qu’on sait très prisée par M. Arnaud Lagardère, dont Jean-Pierre Elkabbach est aussi le conseiller : en juin 2006, l’éviction d’Alain Genestar, directeur de Paris Match, coupable d’avoir publié en couverture une photo de l’épouse du président de l’UMP avec son compagnon de l’époque, démontra les limites de l’indocilité permise aux médias du groupe en question. Un patron de presse limogé pour complaire à un ministre et chef de parti ? Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas connu pareille marque d’allégeance journalistique au pouvoir politique...

Il y a là le résultat d’un long et patient travail entrepris par le candidat de l’UMP pour se rapprocher des grands patrons propriétaires de médias. M. Sarkozy possède un épais carnet d’adresses d’amis influents dans la presse et l’audiovisuel. On y remarque d’abord les familiers, comme M. Martin Bouygues, actionnaire de TF1 et parrain de son fils, ou M. Bernard Arnault (La Tribune, Investir, Radio Classique), dont la fille Delphine se maria en présence de M. Sarkozy. Habitant Neuilly, MM. Bouygues et Arnault furent tous deux témoins aux épousailles du maire de la ville.

Des compagnons de route... cyclable

Ces relations professionnelles ont affermi les amitiés. Ainsi, M. Lagardère doit à M. Sarkozy le règlement, en 2004, du conflit d’héritage qui l’opposait à sa belle-mère Betty, lorsque l’homme politique et ancien avocat d’affaires avait, en tant que ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la haute main sur l’administration fiscale. « On signe ton truc fiscal et on passe à autre chose », aurait dit le ministre, sitôt nommé à Bercy (1). Décédé en 2003, Jean-Luc Lagardère avait lui aussi eu l’occasion d’apprécier, lors de la faillite de La Cinq en 1992, les conseils de l’associé du cabinet Claude-Sarkozy.

En avril 2005, le président de l’UMP fut l’invité d’honneur d’un séminaire du groupe Lagardère à Deauville. L’héritier Arnaud le présenta « non pas comme un ami, mais comme un frère ». Un mois plus tard, le patron du principal groupe de presse et d’édition français affichait son amitié en participant à un meeting de M. Sarkozy (animé par le journaliste Michel Field) en faveur du « oui » à la Constitution européenne. M. Lagardère dévoila ce soir-là la nature de son engagement : « Quand il y a un but à marquer, je préfère être dans l’équipe que dans les vestiaires (2). » Stéphane Courbit, président d’Endemol France, producteur des émissions de Marc-Olivier Fogiel et de Karl Zéro, assistait également à cette réunion électorale.

De son côté, M. Serge Dassault (Le Figaro, Valeurs actuelles) se souvient que l’actuel ministre de l’intérieur a « démêlé » la succession de son père Marcel (3). Et il n’ignore pas que M. Sarkozy est devenu un familier de son fils aîné Olivier, par ailleurs député UMP. Parfois, les rôles s’entrecroisent : proches de la famille, MM. Bouygues et Arnault comptèrent aussi au nombre des clients du cabinet d’avocats. Enfin, avec un homme politique amateur de vélo, on ne saurait oublier les compagnons de route... cyclable. MM. Bouygues et Arnault sont à nouveau du nombre, tout comme M. Jean-Claude Decaux, leader mondial de l’affichage urbain, et M. François Pinault, propriétaire du Point. Sans oublier Michel Drucker, animateur populaire de France 2.

La construction d’un tel réseau n’est nullement le fruit du hasard. En 1983, lorsqu’il conquiert, à 28 ans, la mairie de Neuilly, M. Sarkozy s’attelle très vite à bâtir un cercle de relations susceptibles de favoriser son ascension politique. Sa ville, une des plus prospères de France, compte deux mille quatre cents entreprises, donc de nombreux patrons qui s’intéressent à lui en voisins ou en simples administrés, à titre personnel ou professionnel. Dès 1985, le maire crée le club Neuilly Communication, lequel compte parmi ses membres M. Gérald de Roquemaurel, président-directeur général d’Hachette Filipacchi Médias, M. Nicolas de Tavernost, président de M6, ou encore M. Arnaud de Puyfontaine, patron de Mondadori France (ex-Emap France, troisième éditeur de magazines). M. Sarkozy veille également à s’entourer de publicitaires, comme MM. Thierry Saussez, président d’Image et stratégie, Philippe Gaumont (FCB), puis Jean-Michel Goudard (le « G » d’Euro RSCG). Il fréquente enfin les grands annonceurs Philippe Charriez (Procter & Gamble) et Lindsay Owen-Jones (L’Oréal).

En juillet 1994, l’actuel président de l’UMP devient simultanément ministre de la communication et ministre du budget du gouvernement de M. Edouard Balladur, ce qui lui permit d’être à la fois le décideur politique et le pourvoyeur de fonds publics des grands groupes de médias... Mais c’est surtout sa position de porte-parole du gouvernement, puis du candidat Balladur, entre 1993 et 1995, qui l’amène à rencontrer les hommes d’influence que sont Alain Minc – lequel le conseillera dix ans plus tard à l’occasion du référendum européen – et Jean-Marie Colombani, en train de consolider leur pouvoir au Monde. M. Sarkozy s’emploie à orchestrer l’engouement médiatique en faveur de M. Balladur, dont M. Minc est un des partisans déclarés, et à présenter son élection comme acquise. Il bénéficie à cette fin de l’appui du sondeur Jérôme Jaffré, alors directeur général de la Sofres. Le 22 mars 1995, Le Monde titre en « une » : « et Mme Chirac ont tiré profit d’une vente de terrains au Port de Paris ». L’information émane de la direction du budget chapeautée par... M. Sarkozy.

TF1 est également de la partie (4). Une de ses présentatrices, Claire Chazal, signe une hagiographie de M. Balladur tandis que M. Bouygues ouvre les portes de sa chaîne à celui qui passe déjà pour un vice-premier ministre. « Pour Martin [Bouygues], explique un observateur, Sarkozy est une espèce de maître à penser. Pour Sarkozy, Martin est une force. Leur duo est une association, une PME. Ce qui explique en partie pourquoi, pendant la campagne de 1995, TF1 est devenue “télé Balladur”. Bouygues ne rendait pas service à Balladur, mais à l’un des lieutenants (5). » C’est l’époque où l’ambitieux ministre est surnommé « Darty » en raison de sa propension à être omniprésent avant et après la météo... Alors directeur de l’information de France 2, Jean-Luc Mano suit le mouvement ; il participera plus tard à la conception de la campagne menée par M. Sarkozy pour les élections européennes de 1999. L’échec sera cuisant (6).

Déjà en 1995, M. Sarkozy a choisi le mauvais camp. Qu’importe, il profite de son ascension-éclair pour imposer son style et son image. En mai 1993, une spectaculaire prise d’otages dans une maternelle de Neuilly le fait connaître des téléspectateurs. « Il était toujours devant les caméras, sans parler, rappelle Jean-Pierre About, rédacteur en chef au service enquête de TF1. Mais le lendemain, lorsque HB [Human Bomb, nom donné au preneur d’otages] a pris une balle, il avait disparu du dispositif. Un coup de maître, puisqu’il n’est pas lié à la polémique sur l’opportunité de tuer le ravisseur qui a suivi (7). » Cette technique dite du « mouvement permanent », qui consiste à se saisir de l’actualité immédiate pour apparaître à son avantage dans les médias, puis à foncer sur un autre événement, constitue la marque de fabrique de M. Sarkozy.

« Je sais ce qui se passe dans vos rédactions »

En 2002, après (*) la campagne présidentielle, un premier passage au ministère de l’intérieur lui permet de systématiser cette méthode de communication. TF1, dont les journaux télévisés mettent en scène un climat d’insécurité, se fait le relais zélé de la riposte ministérielle. Le 22 mai 2002, une intervention à Strasbourg du groupe d’intervention régional, à l’occasion de laquelle l’homme politique se fait omniprésent, donne le ton. TF1 évoque alors la saisie d’« armes de guerre » : deux pistolets, quatre caméscope, trois ordinateurs et deux appareils photo numériques (8)... Très vite, le ministre devient l’unique émetteur de la parole policière. En novembre 2005, les émeutes dans les banlieues illustrent ce basculement. Une cellule de communication est installée Place Beauvau et, dorénavant, l’information officielle passe par le prisme du ministre de l’intérieur. Lequel – « Kärcher », « racaille » – aime jouer les pompiers pyromanes.

Dépendants de sa parole, les médias en sont aussi les dépositaires. A l’évidence, M. Sarkozy a une faconde et un style imagé qui leur plaisent. « C’est le nouveau présentateur du JT de 20 heures », ironise M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, en guise de décompte des apparitions du ministre dans les journaux télévisés. Aucun homme politique n’a été, comme lui, trois fois l’invité de l’émission « 100 minutes pour convaincre » de France 2. Chaque fois, l’audience est au rendez-vous (entre 4 et 6 millions de téléspectateurs).

Son adresse oratoire doit beaucoup aux « ficelles » du métier d’avocat : recours emphatique aux formules interrogatives et aux anaphores (« Parce que vous croyez que... »), effets de sidération par les images (« On ne peut pas violer impunément une adolescente dans une cave »), posture du « parler vrai » et populaire (« Moi, j’essaye d’être compris des gens »)... La séduction joue auprès des journalistes. « Il a une manière de poser les questions qui fait qu’on est toujours d’accord avec la réponse. On fait un peu office de sparring partner (...), avoue Thomas Lebègue, journaliste à Libération. Il voit comment les arguments passent auprès des journalistes avant de les diffuser à grande échelle (9). » Fût-il ministre de l’intérieur, un poste qui ne garantit pas d’ordinaire une grande popularité chez les journalistes, un homme qui montre qu’il adore les médias et qui se prête à leur jeu de l’image ne saurait être mauvais...

Cette idylle s’exprime en chiffres : depuis son retour Place Beauvau, en mai 2005, M. Sarkozy a eu droit à une moyenne mensuelle de 411 articles, contre 220 pour M. Dominique de Villepin lorsqu’il exerçait les mêmes fonctions (10). L’homme a compris comment amadouer ce que la presse est devenue. Ministre du budget ou des finances, il s’est gardé de toucher à l’abattement fiscal contesté des journalistes (7 650 euros par an déductibles du revenu imposable). Simultanément, il a pris des positions très libérales sur la défiscalisation des entreprises, l’impôt sur la fortune ou les droits de succession. Elles ne peuvent que satisfaire ces magnats-héritiers que sont MM. Lagardère, Bouygues, Dassault, Edouard de Rothschild, etc. (11).

« Un journaliste qui me critique est un journaliste qui ne me connaît pas », a coutume de dire M. Sarkozy. N’est-il pas d’ailleurs une sorte de confrère, lui qui rêva un temps de devenir présentateur du « 20 heures » ? En 1995, quand il publie sous pseudonyme une série d’articles intitulée « Lettres de mon château », dans Les Echos, il montre qu’il s’intéresse autant à la vie des médias qu’à la politique. Du coup, l’homme a l’habitude de valoriser les journalistes, de s’intéresser aux nouvelles recrues. De les tutoyer aussi, comme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, ou Jean-Marie Colombani. Dans ce dernier cas, Edwy Plenel s’en déclara troublé... mais en mars 2006, six mois après avoir quitté la rédaction du Monde. En 2003, au moment de la sortie du livre de Pierre Péan et de Philippe Cohen consacré au quotidien du soir, le même avait néanmoins sollicité le conseil du ministre dans son bureau de la place Beauvau (12).

M. Sarkozy sait également se rendre disponible auprès de journalistes moins chevronnés. Il impose d’ailleurs à son conseiller à la presse, M. Franck Louvrier, de ne jamais laisser un appel sans réponse. Mais gare à ceux qui pourraient être tentés de faire dissidence. « Je sais tout ce qui se passe dans vos rédactions », lance-t-il un jour de janvier 1995 à des reporters lors d’un déplacement dans le Nord (13). De fait, il peut compter sur Jean-Pierre Elkabbach pour être consulté quand Europe 1 envisage de recruter un journaliste chargé de suivre l’UMP (14). Ou sur M. Bouygues : c’est ainsi M. Sarkozy qui, avant un voyage délicat aux Antilles, annonce – y compris à la rédaction de TF1 – qu’un journaliste noir, Harry Roselmack, prendra les rênes de la présentation du « 20 heures » pendant l’été 2006.

Le président de l’UMP dispose à présent des cartes lui permettant d’espérer l’épilogue présidentiel de cette puissante orchestration médiatique. Peu importe qu’il se trompe ou qu’il se contredise dès lors que nul ou presque dans la presse ne le souligne. Le 25 janvier 2006, il estime, par exemple, que le contrat première embauche (CPE) constitue « une très bonne mesure pour l’emploi de jeunes ». Six mois plus tard, il se ravise : « J’étais persuadé que le CPE serait vécu comme injuste pour la raison simple qu’il l’était. » En juillet dernier, il approuve chaudement les bombardements et les préparatifs d’invasion du Liban sud : « Israël se défend » (Europe 1, 18 juillet). Plus tard, il se déclarera néanmoins d’accord avec le président de la République, assurément plus réservé sur le sujet (15).

De même qu’il a séduit nombre d’acteurs, de chanteurs et de stars du show-business (Jean Reno, Christian Clavier, Johnny Hallyday, etc.), M. Sarkozy parvient à être apprécié de journalistes réputés de gauche. M. Saussez s’en félicite : « Il a une bonne image chez des gens qui n’ont pas ses opinions : c’est très nouveau (16).  » Naviguant entre la clémence relative, avec l’abrogation de la double peine, et la répression, avec la nouvelle loi sur l’immigration, le président de l’UMP offre à chacun motif à se laisser séduire. « Il considère que son rôle est de convaincre. Et d’abord les journalistes », concède son fidèle lieutenant, le ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux (17).

Si ces derniers constituent bien la cible de M. Sarkozy, c’est qu’ils vont ensuite relayer une image susceptible de prospérer dans des cercles influents, lesquels eux-mêmes influenceront d’autres cercles concentriques dans leur entreprise, leur club de sport, leur voisinage... sans être nécessairement un vecteur d’opinion direct, les médias comptent auprès de ceux qui pensent que les médias influencent le public.

En tout cas, M. Sarkozy a le temps et l’occasion de s’exprimer. Le matin sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach lui octroie couramment vingt minutes supplémentaires d’entretien ; LCI, filiale de TF1, retransmet en direct ses vœux à la presse ; il fait la couverture de TV Magazine, ce supplément du Figaro diffusé auprès de cinq millions de lecteurs potentiels, à l’occasion d’un entretien sur Canal+ avec son ami Michel Denisot, déjà coauteur d’un livre avec le ministre. Quant à sa relation avec son épouse, Cécilia, elle fait le bonheur de la presse « people » (Gala, Paris Match...) chaque fois qu’elle sert les intérêts du présidentiable, mais provoque désormais l’autocensure, voire la censure, sitôt qu’elle cesse d’être à son avantage. Ainsi, lorsqu’une journaliste de Gala, Valérie Domain, décida en 2005 d’écrire un livre qui n’agréait pas à M. Sarkozy, Entre le cœur et la raison, l’éditeur – M. Vincent Barbare – fut convoqué Place Beauvau.

Une inhabituelle passion

La volonté de contrôler les médias peut être assez naturelle chez un responsable politique. Plus inhabituelle est la passion d’une communauté de dirigeants de médias et de journalistes (Denis Jeambar, qui vient de quitter la direction de L’Express pour celle des éditions du Seuil, et Franz-Olivier Giesbert, président-directeur général du Point, par exemple) à lui servir de relais. Encouragés par l’aura dont bénéficie le présidentiable auprès de leur propriétaire ou de leurs annonceurs, ils surestiment sans doute la séduction qu’il exerce et ils occultent trop volontiers l’échec de sa politique, par exemple sur le terrain des violences aux personnes (elles ont officiellement augmenté de 12 % entre mai 2002 et avril 2006). Inversement, quand les mêmes faiseurs d’opinion soulignent la médiocrité du bilan de M. de Villepin, ils font mine d’oublier que M. Sarkozy est un des principaux ministres de son gouvernement. Et que la querelle entre les deux hommes constitue aussi un moyen artificiel de permettre à la droite de s’offrir une alternative à elle-même.

En rebondissant sans cesse sur l’actualité, M. Sarkozy teste des idées qu’il calibre empiriquement en fonction de l’écho médiatique qu’elles reçoivent. Son objectif est de construire ainsi une légitimité cathodique et de demeurer au zénith des instituts de sondage avec une autorité conférée par les « unes » plutôt que par les urnes. Sur ce point précis, certains candidats socialistes, dont Mme Ségolène Royal, ne se comportent pas toujours différemment. Pour expliquer qu’elle ait, à son tour, décidé de s’installer sous les feux de la rampe, un conseiller de la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes admet : « La présence médiatique donne l’apparence de l’action. On a décidé de faire comme Nicolas Sarkozy, on prend toutes les occasions. On cannibalise tout (18). »

Dans le cas du ministre de l’intérieur, tout le monde – ou presque – y trouve son compte, tant que le « produit » se vend : « C’est le seul homme politique dont les régies publicitaires sont contentes quand il fait la couverture », avance M. Jérôme Peyrat, directeur général de l’UMP (19). Ce genre de considération n’est pas sans importance dans la presse, compte tenu du déclin de sa diffusion. Quant aux Français, ils auront bientôt à se prononcer sur le profit qu’ils retirent de l’exposition avantageuse d’un homme entièrement tourné vers la satisfaction de son ambition et de son clan.

Marie Bénilde.

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Marie Bénilde

Journaliste.

Voir aussi :

(1) Airy Routier, Le Complot des paranos, Albin Michel, Paris, 2006, p. 119.

(2) Cité par Serge Halimi, Les Nouveaux Chiens de garde, réédition de 2005, Raisons d’agir, Paris.

(3) Cf. « Sarkozy et les patrons », Le Point, Paris, 26 août 2004.

(4) Lire Pierre Péan et Christophe Nick, TF1. un pouvoir, Fayard, Paris, 1997.

(5) Victor Noir (nom d’un collectif de journalistes sous la direction de Laurent Valdidié et Karl Laske), Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus, Denoël Impact, Paris, 2005, p. 56.

(6) Le Rassemblement pour la France (RPF) de M. Charles Pasqua (13,05 %) avait alors devancé le Rassemblement pour la République - Démocratie libérale de M. Sarkozy (12,82 %). Le Parti socialiste, allié au Mouvement républicain et citoyen, totalisait 21,95 % des suffrages.

(7) Claire Artufel et Marlène Duroux, Nicolas Sarkozy et la communication, Pepper, Paris, 2006, p. 37.

(*) Rectificatif : contrairement à ce que laissait entendre ici une formulation erronée liée à une coupe malencontreuse, c’est bien sûr après la réélection de M. Chirac que M. Sarkozy a été nommé ministre.

(8) Aymeric Mantoux, Nicolas Sarkozy ou l’instinct du pouvoir, First Editions, Paris, 2003, p. 35.

(9) Claire Artufel et Marlène Duroux, op. cit., p. 70.

(10) Selon Claire Artufel et Marlène Duroux, ibid.

(11) Lire « Médias français, une affaire de familles », Le Monde diplomatique, novembre 2003.

(12) Cf. la lettre d’Edwy Plenel dans Marianne, Paris, 18mars 2006.

(13) Victor Noir, op. cit., p. 181.

(14) Cf. Le Canard enchaîné, Paris, 22 février 2006.

(15) Le revirement de M. Sarkozy dans le cas de la fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez a été plus souvent évoqué par la presse : ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en 2004, M. Sarkozy s’engage solennellement à ce que la part de l’Etat ne descende jamais en dessous de 70 % dans GDF. En 2006, il se prononce cependant en faveur de la fusion de l’entité publique avec le groupe privé, ce qui rendra minoritaire la part de l’Etat dans la nouvelle entité.

(16) Aymeric Mantoux, op. cit., p. 75.

(17) « Comment Sarkozy cherche à contrôler les médias », Marianne, Paris, 11 mars 2006.

(18) Cité par Le Point, Paris, 17 août 2006.

(19) « L’entreprise Sarkozy », Challenges, Paris, 16 mars 2006.

Voir aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de novembre 2006.

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14 février 2007 3 14 /02 /février /2007 14:58

Chacun son tour, aujourd'hui, Michel Onfray etrille Ségolène Royal. C'est moins drôle que son billet sur Sarkozy mais je dois manquer d'objectivité.

A lire ainsi que les commentaires sur la posture adoptée. (en se rendant sur son site).

Le barnum participatif

Que s’est-il passé dans ce siècle que nous ayons besoin de recourir à cette redondance, sinon à ce pléonasme, d’une « démocratie participative » ? Il existerait donc des démocraties qui ne le seraient pas ? Certes, la démocratie grecque, dont j’ai déjà écrit combien elle cachait une oligarchie, n’avait pas grand-chose de démocratique. De même, les démocraties populaires des pays de l’Est, abusivement dites démocraties et fautivement nommées populaires, qualifiaient bien plutôt des dictatures d’oligarques.
Plus proche de nous, la démocratie parlementaire qui donne le pouvoir à des élus dont la sociologie et la couleur politique ne coïncident pas du tout avec les suffrages des électeurs tourne également le dos à ce que devrait être la démocratie - pour mémoire : vingt-deux députés et vingt-trois sénateurs pour un Parti Communiste à 3.37%, trente députés pour un UDF à 6.84 %, et zéro représentants à l’assemblée nationale, zéro au sénat, pour un Front National à 17.79% , un parti dont, chacun s’en souvient, le candidat fut présent au deuxième tour d’une élection présidentielle …. Sur le modèle du chiffre électoral communiste, le parti de Jean-Marie Le Pen devrait disposer aujourd’hui d’une centaine de députés et d’autant de sénateurs… Que ces trois types de démocraties affichées comme telles n’aient pas été démocratiques, chacun le voit bien…
Mais quid de cette démocratie participative à même d’empêcher ces ratages politiques ? Quand, où et comment, participe-t-on habituellement à la démocratie ? Bien souvent, et pour la plupart des citoyens qui ne disposent pas d’un mandat, en votant une fois dans les nuées avant de retourner à son quotidien. En dehors de ces périodes, la machine démocratique semble bien lointaine, relativement oublieuse du peuple, et nullement désireuse de le solliciter à nouveau une fois joué le jeu de la représentation. On investit des tiers qui nous représentent et, la plupart du temps, ces tiers groupés deviennent des élus qui votent comme un seul homme selon la consigne de leur parti en abdiquant liberté, autonomie et esprit critique. Une personne inscrite dans un parti renonce à l’usage de son intelligence ; l’élu d’un parti, lui aussi, et plus encore. Du peu de démocratie, donc, de la démocratie des partis …
Qu’existent ce genre de dysfonctionnements et un divorce radical entre le citoyen et son représentant, nul n’en disconvient. Mais comment rabibocher ces deux là ? Ségolène Royal a mis en place un double médicament pour enrayer le mal : les réunions publiques de démocratie participative et les jurys citoyens – dans lesquels Le Pen croit sentir le parfum de la Commune, j’aimerais tellement qu’il ait raison !
La méthode paraît étrange, nulle et non avenue : quel besoin y a- t- il de multiplier les rendez-vous citoyens pour constituer un programme présidentiel en se rendant dans les salles polyvalents municipales des villages et sous-préfectures afin d’écouter les doléances des gens de peu ? Car, de deux choses l’une : ou Ségolène Royal ignore l’étendue des dégâts en matière de misère sociale dans le pays, et elle est sotte, définitivement sotte, crétine sidérale, inculte définitive, inapte congénitale ; ou elle ne l’ignore pas, alors, dans ce cas elle est cynique, démagogue et populiste au dernier degré – et les deux dernières épithètes sont utilisées selon leur véritable signification et non pour leur valeur d’insulte. Dans un cas comme dans l’autre, soit nous avons affaire à une crétine, une inculte, une inapte, soit à une cynique, une démagogue, une populiste, l’alternative n’est guère réjouissante…
Ségolène Royal qui prétend à l’investiture suprême dans la République a-t-elle réellement découvert en faisant son tour de France participatif qu’une mère de famille peut interdire à sa petite fille de se rendre à un anniversaire parce que, trop pauvre, elle ne pourra rendre l’invitation ? Cette femme qui disposerait du feu nucléaire en cas de succès électoral dans quelques semaines a-t-elle vraiment eu besoin de se rendre dans un village de la France profonde pour apprendre que des gens aux revenus modestes doivent emprunter pour régler les frais d’obsèques d’un parent ? Cette héritière sur le papier de Jaurès et de Blum a-t-elle sérieusement appris dans une salle des fêtes municipale que les adolescents à la peau bronzée se font plus souvent arrêter pour des contrôles de police dans la rue ? Si oui, alors cette femme est une catastrophe…. Nous avons affaire à une demeurée à lequel, pour rien au monde, on ne doit confier les affaires de la Nation.
Si non, ce que je crois, alors pourquoi ce cirque ? Quelles raisons justifient ce pitoyable cinéma ? Deux ou trois : la prévalence de l’image, la tyrannie du look, le concept publicitaire, l’idée marketing, la victoire de la fumée, le règne de l’apparence : il s’agit pour la candidate de montrer qu’elle est proche des vrais gens – avec des guillemets à tous les mots. Ce qui veut dire, de fait, qu’elle ne l’est pas puisqu’il lui faudrait le démonter avec des ficelles aussi grosses. Cette idée est si nulle qu’elle pourrait être de Jacques Séguéla. Un pareil barnum permet de gagner du temps et de cacher pendant des semaines précieuses la misère d’une absence de programme dont on a récemment et sans surprise découvert la conformité à l’habituel projet socialiste.
Je persiste : dans l’esprit de la constitution de la V° République – que jusqu’à nouvel ordre, et nonobstant Montebourg, Ségolène Royal ne remet pas en cause- cette élection au suffrage universel direct suppose une figure capable de rencontrer l’Histoire autrement que sous la forme d’un débat participatif. Mieux : cette figure doit disposer d’une capacité à sentir l’Histoire avant même qu’elle ait eut lieu. La prévision, le flair, l’instinct, l’intuition – le Général de Gaulle était lecteur et amateur de Bergson…-, l’inspiration, la grâce, l’énergie, voilà des qualités nécessaires pour incarner un Peuple, une Nation , une République, sinon une Révolution. Imagine-t-on, à Colombey-les-deux Eglises, en juin 1940, un débat citoyen de démocratie participative dans la salle communale près du monument aux morts, à côté de l’Eglise, pour savoir si, oui ou non, il fallait inscrire l’Appel du 18 juin au programme de l’année en cours?
Le second temps du dispositif néo-démocratique de Ségolène Royal est le jury populaire. Si les citoyens, insensibles aux clystères médiatiques, étaient imprégnés de république cicéronienne, de contrat social hobbesien, de volonté générale rousseauiste, s’ils étaient indemnes des passions tristes spinozistes – parmi lesquelles l’envie, la jalousie, le ressentiment, l’étroitesse d’esprit, la petitesse -, cette belle et noble idée, généreuse, serait un cordial définitif : une panacée dont on aurait tort de se dispenser. Mais les hommes sont ils ainsi ? Epargnés par les pensées mesquines, tout entiers habités par l’envie d’être un citoyen à la mode de Caton d’Utique ?
Je crains que non. De sorte que le jury populaire flattera le peuple, certes, mais il enrayera la démocratie, puis l’engluera dans des débats sans fins, stériles. La logomachie des conseils municipaux de province s’étendra à toute la Nation. « L’esprit de petite ville » cher à Georges Palante, mon amour de jeunesse (Lisez, entre autre, son Combat pour l’individu aux éditions Coda) soufflera sur toute la République qui ne bruira plus que des inepties des groupes de paroles sanctifiés comme le travail de la démocratie.
On peut aimer le Peuple sans le flatter, sans lui laisser croire qu’il dispose du fin mot de toute affaire, qu’il porte la vérité, de fait, pace qu’il est Peuple : il suffit, pour ce faire, de mener la politique qui lui donne sa place : ni rien, comme en ce moment, et depuis tant d’années, ni tout, comme dans les pires moments de l’histoire où la foule conduite par ses seules passions tristes était l’arbitre mal inspiré des élégances politiques. Le Peuple mérite mieux que le populisme ; la Démocratie mieux que la démagogie.

Michel Onfray

A boire et à manger. Beaucoup de commentaires justes mais toujours dans l'outrance, la polémique, la recherche du bon mot. Une posture qui rappelle beaucoup celle de votre ennemi Glucksmann et c'est dommage.
Entre plusieurs maux il faut choisir le moindre.
Le "tous pourris" est confortable et peut être une insulte envers les braves gens, les militants qui peuvent être sensibles à vos remarques mais acceptent de se mouiller et de se compromettre.
La situation des travailleurs ne sera pas tout à fait la même avec le nouveau Sarkozy ou Ségolène Royal.

Ecrit par : deslilas | 14 février 2007

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13 février 2007 2 13 /02 /février /2007 14:25

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Dimanche 11 février 2007
Les habits de grand-mère Sarkozy
Le mot « démagogue » fait partie de l’arsenal des insultes au même titre que « fasciste », « nazi », « stalinien » ou « bourgeois ». « Antisémite » fonctionne sur le même registre, « populiste » également. Ces épithètes servent à stigmatiser un adversaire pour éviter de dialoguer avec lui. Leur usage grippe la machine démocratique et, pire, interdit qu’on utilise ensuite les mots pour signifier ce qu’ils veulent vraiment dire. Qui voudrait en effet discuter avec un fasciste ? Mais, une fois ce détournement sémantique utilisé, comment dire d’un fasciste véritable qu’il l’est ? Quand les fascistes sont partout, de même les antisémites, ils ne sont plus nulle part. La démonétisation du signifiant pulvérise la possibilité d’un signifié. J’ai, pour ma part, eu droit à la totalité de ces qualificatifs, les choses étant dûment écrites ou dites dans des médias de grande diffusion…
Arrêtons nous un instant sur le mot « démagogue ». Les grecs l’inventent pour stigmatiser les orateurs qui se trouvent à la tête de factions populaires. La démocratie athénienne n’était pas démocratique, mais oligarchique, aristocratique : elle ne concerne en effet que les citoyens, autrement dits, les sujets nés de citoyens. Les femmes, les métèques – étrangers domicilés -, les barbares – les non grecs-, les esclaves n’en font pas partie, de fait, cette démocratie ne concerne qu’une petite poignée de gens bien nés… Dès lors, dans la bouche de ceux là, quiconque s’adresse au peuple, parle pour lui, éventuellement même, lui parle, est un démagogue. Donc un ennemi.
Platon, aristocrate de haut rang, n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins, sa famille est riche. Les sophistes, quant à eux, proviennent le plus souvent des couches populaires, ils doivent donc gagner leur vie. En faisant payer leur technique verbale, leur savoir rhétorique, leur talent pédagogique, ils se contentent de monnayer leur verbe pour acheter du pain et des olives. Et puis, faute impardonnable, les sophistes enseignent à des gens de modeste condition les ficelles utiles pour entraver ce prétendu système démocratique. La haine de Platon pour les sophistes faussement transformés en démagogues est avant tout la haine d’un aristocrate pour la plèbe qui se pique de philosopher.
Plus tard, en l’occurrence pendant la Révolution Française, le mot glisse plus encore vers l’insulte : on appelle démagogue l’orateur qui parle au peuple, certes, mais en flattant ses bas instincts – la colère, l’envie, la rancœur, la haine, le ressentiment, la méchanceté. Les passions tristes de Spinoza… Là encore, on retrouve l’opposition entre l’élite en passe d’accéder au pouvoir, la bourgeoisie libérale, et les factions populaires, hébertistes, Enragés, Curés Rouges et ceux que Patrick Kessel appela jadis dans un beau livre Les gauchistes de 89. Mais en ce temps là, la démagogie n’est pas dans le seul camp de ceux qui parlent au peuple, elle se trouve aussi aux côtés des opportunistes que le pouvoir fascine et qui n’aspirent qu’à une chose, en jouir.
Voilà, me semble-t-il, l’acception moderne, sinon postmoderne, du démagogue : il flatte le citoyen pour qu’il le conduise au pouvoir car une seule chose l’intéresse, y parvenir et, une fois qu’il s’y trouve, s’y maintenir. Vieilles leçons du Prince de Machiavel. Dans une société de médiatisation généralisée, l’électeur disposant du pouvoir de faire ou de défaire un roi, le démagogue s’adresse médiatiquement aux votants afin qu’il lui fasse la courte échelle pour accéder au trône. Le démagogue est animé par une obsession pathologique : jouir de la puissance donnée le pouvoir – il se moque bien de la République, de la Nation, de l’intérêt général, du bien public, du Peuple, de la France, et autres fétiches dont il se remplit la bouche en permanence et qui saturent toutes ses prises de position.
Le risque du suffrage universel qui pose dans l’absolu l’équation un homme égale un vote est qu’on gagne moins à s’adresser à la raison, à l’intelligence, au bon sens du citoyen, qu’à ses fameuses passions tristes si vives à enflammer tant la misère morale et mentale est grande. Peu importe, il faut choisir des inconvénients et, somme toute, le suffrage universel vaut mieux qu’un cens, quel qu’il soit.
Si la mesure de l’intelligence politique est impensable, celle de la démagogie est possible. Tout homme – ou femme bien sûr…- politique qui parle à rebours de ce qu’enseigne son passé d’élu est un démagogue. Tout homme qui dit pour demain l’inverse de ce qu’il a fait pendant une carrière en est un. Plus l’écart est grand entre son action passée et ses paroles présente, plus c’est un maître en démagogie.
Démagogue en chef, par exemple, Jacques Chirac creusant la fameuse « fracture sociale » pendant un quart de siècle d’action politique aux plus hauts sommets et, après s’en être indigné, sollicitant les électeurs pour la combler ; Jacques Chirac polluant pendant le même temps les nappes phréatiques avec ses décisions en matière agricole et, après s’en être offusqué, affirmant la nécessité d’une écologie qu’il incarnerait ; Jacques Chirac violant la République pendant des décennies – des frais de bouche aux emplois fictifs , en passant par les marchés truqués ou les faux électeurs- et s’en disant le garant comme chef de l’Etat. La liste est longue, chacun le sait...
Prétendant au remplacement et au titre, Nicolas Sarkozy est en passe de décrocher la timbale. Car ce maire refusant la construction de logements sociaux dans sa ville de Neuilly ; cet homme de parti plusieurs fois traître à son camp ; cet encarté défendant une politique de droite depuis son plus jeune âge ; cet allié des puissants fort avec les faibles, faible avec les forts ; cet ami des patrons de presse qui demande et obtient le licenciement d’ un directeur de journal qui expose sa vie privée en dehors des clous fixés par le ministre habituellement iconophile ; ce vindicatif fasciné par les nettoyages de banlieues au kärcher ; cet expéditif qui assimile tout jeune des banlieues à de la racaille ; ce courtisan de Georges Bush auprès duquel il tient des propos de féal de l’autre côté de l’Atlantique ; ce ministre qui convoque place Beauvau le directeur d’une maison d’édition pour interdire un livre à paraître sur son épouse volage ; cet homme, donc, n’existe pas, ou plus, car il a changé…
Ce Nicolas Sarkozy est mort. Enterré. Fini. Décédé. Terminé. Disparu. Trépassé. Plus d’un quart de siècle d’une carrière politique s’envole en fumée. Plus de traces. Pas de preuves. C’était hier. Aujourd’hui, plus rien n’existe comme avant. Car il a changé sous le coup d’une souffrance : cet homme, rendez-vous compte, a été trahi, abandonné, quitté par sa femme – dont il est tombé amoureux le jour même où, maire qui officiait, il a décidé qu’elle ne resterait pas longtemps l’épouse de Jacques Martin, le mari du jour. Avec ce banal adultère des familles, Nicolas Sarkozy a appris la douleur, la peine, le petit homme est devenu grand. Désormais, il peut être Chef de l’Etat.
Donc cet homme nouveau n’a plus rien à voir avec le méchant, le partisan, le sectaire, le traître, le disciplinaire, l’autoritaire, le velléitaire, le réactionnaire, le colérique, l’irascible, le nerveux, l’atrabilaire, le susceptible, l’arrogant, l’ambitieux qu’enseignent trente années de pratique politicienne de Neuilly à Beauvau . Et cette métamorphose, promis, juré, craché, n’a rien à voir avec le désir d’obtenir les suffrages d’électeurs qui disposeraient encore d’ un peu de mémoire et dont l’intelligence ou le bon sens auraient survécus au pilonnage médiatique et hagiographique massif depuis des années de matraquage iconique.
Dès lors, l’homme nouveau, le Nicolas rédimé, le Sarkozy métamorphosé, le candidat aux stigmates présidentiels fait sa déclaration de candidature là même où Chirac avait fait la sienne – qui offrira un jour à cet homme le « que sais-je ? » sur la psychanalyse ? « Le canard enchaîné » prouve dans son édition suivante qu’il n’y avait pas plus de 25.000 personnes, la presse quasi unanime, déjà aux ordres, annonce 100.000 , et ne publiera pas de rectificatif – là comme ailleurs.
Son porte plume Henri Guaino taille le costume nouveau : cet homme qui soutient et met en œuvre depuis trente ans la politique libérale qui génère chômage, misère, pauvreté, délocalisations, paupérisation cite Jaurès et de Blum ; ce maire qui refuse les bâtiments sociaux dans sa ville en appelle maintenant au droit opposable au logement ; le copain des coquins patrons de presse qui débarquent le directeur de « Paris Match » responsable de la publication de l’icône de l’adultère uxoral se fend d’une lettre de soutien à « Charlie Hebdo » embarqué dans un procès moyenâgeux au nom de la liberté de la presse ; le quêteur d’onction américaine qui fait acte d’allégeance à Bush et se désolidarise des positions françaises à la Maison Blanche se réclame désormais du Général de Gaulle et de la Résistance ; ce pourfendeur des syndicats, de la réduction du temps de travail, de l’abaissement de l’âge de la retraite, du droit de grève célèbre la mémoire du communiste Guy Môcquet ; cet homme aux rares neurones intellectuels, qui, pour toute caution culturelle, met en avant Doc Gynéco, Christian Clavier, Johnny Hallyday – courtisan de tous les présidents de la V° depuis qu’il paie des impôts-, cet être qui, hier, ricanait et sortait son revolver dès qu’il entendait le nom de La princesse de Clèves, cite aujourd’hui Voltaire, Victor Hugo , Emile Zola ; ce traître, ce cynique, cet immoraliste, cet apostat multirécidiviste se paie même le culot d’en appeler à la morale, aux valeurs, aux vertus ; cet aspirant nettoyeur de banlieues convoque blacks et beurs sur les podiums de ses meetings ; cet habitué des palais de la République, de l’or des logements de fonction , des lambris de ministères, des voitures avec gyrophares, et escortes policières, débarque devant les caméras en Renault de gamme moyenne pour monter à la tribune et convoquer une fois encore Jaurès et Blum , mais à la Mutualité cette fois ci !
Si l’on veut désormais que les mots puissent encore signifier, alors recadrons les choses et destinons lui celui de démagogue, de candidat de la démagogie, de roi de la démagogie, de chef de la démagogie, de président de la démagogie. Trente années de politique , de la mairie au ministère en passant par les instances départementales et régionales, témoignent de la nature véritable de cet homme de droite qui revêt aujourd’hui des habits de la gauche. C’est un loup déguisé dans les vielles nippes d’une grand-mère. On connaît l’histoire… Je crains que les habits nouveaux séduisent les amateurs d’histoire, de fable, de romans, de films, de fictions. Le soir du deuxième tour, la grand-mère pourrait bien apparaître à la fenêtre de l’Elysée, les habits du travestissement abandonnés à même le sol , démaquillée, avec le visage qu’on lui connaît depuis trois décennies : celui d’un prédateur. Ce soir là, il sera trop tard pour tous les chaperons - rouges ou non…

Le mot « démagogue » fait partie de l’arsenal des insultes au même titre que « fasciste », « nazi », « stalinien » ou « bourgeois ». « Antisémite » fonctionne sur le même registre, « populiste » également. Ces épithètes servent à stigmatiser un adversaire pour éviter de dialoguer avec lui. Leur usage grippe la machine démocratique et, pire, interdit qu’on utilise ensuite les mots pour signifier ce qu’ils veulent vraiment dire. Qui voudrait en effet discuter avec un fasciste ? Mais, une fois ce détournement sémantique utilisé, comment dire d’un fasciste véritable qu’il l’est ? Quand les fascistes sont partout, de même les antisémites, ils ne sont plus nulle part. La démonétisation du signifiant pulvérise la possibilité d’un signifié. J’ai, pour ma part, eu droit à la totalité de ces qualificatifs, les choses étant dûment écrites ou dites dans des médias de grande diffusion…Arrêtons nous un instant sur le mot « démagogue ». Les grecs l’inventent pour stigmatiser les orateurs qui se trouvent à la tête de factions populaires. La démocratie athénienne n’était pas démocratique, mais oligarchique, aristocratique : elle ne concerne en effet que les citoyens, autrement dits, les sujets nés de citoyens. Les femmes, les métèques – étrangers domicilés -, les barbares – les non grecs-, les esclaves n’en font pas partie, de fait, cette démocratie ne concerne qu’une petite poignée de gens bien nés… Dès lors, dans la bouche de ceux là, quiconque s’adresse au peuple, parle pour lui, éventuellement même, lui parle, est un démagogue. Donc un ennemi.Platon, aristocrate de haut rang, n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins, sa famille est riche. Les sophistes, quant à eux, proviennent le plus souvent des couches populaires, ils doivent donc gagner leur vie. En faisant payer leur technique verbale, leur savoir rhétorique, leur talent pédagogique, ils se contentent de monnayer leur verbe pour acheter du pain et des olives. Et puis, faute impardonnable, les sophistes enseignent à des gens de modeste condition les ficelles utiles pour entraver ce prétendu système démocratique. La haine de Platon pour les sophistes faussement transformés en démagogues est avant tout la haine d’un aristocrate pour la plèbe qui se pique de philosopher.Plus tard, en l’occurrence pendant la Révolution Française, le mot glisse plus encore vers l’insulte : on appelle démagogue l’orateur qui parle au peuple, certes, mais en flattant ses bas instincts – la colère, l’envie, la rancœur, la haine, le ressentiment, la méchanceté. Les passions tristes de Spinoza… Là encore, on retrouve l’opposition entre l’élite en passe d’accéder au pouvoir, la bourgeoisie libérale, et les factions populaires, hébertistes, Enragés, Curés Rouges et ceux que Patrick Kessel appela jadis dans un beau livre . Mais en ce temps là, la démagogie n’est pas dans le seul camp de ceux qui parlent au peuple, elle se trouve aussi aux côtés des opportunistes que le pouvoir fascine et qui n’aspirent qu’à une chose, en jouir.Voilà, me semble-t-il, l’acception moderne, sinon postmoderne, du démagogue : il flatte le citoyen pour qu’il le conduise au pouvoir car une seule chose l’intéresse, y parvenir et, une fois qu’il s’y trouve, s’y maintenir. Vieilles leçons du Prince de Machiavel. Dans une société de médiatisation généralisée, l’électeur disposant du pouvoir de faire ou de défaire un roi, le démagogue s’adresse médiatiquement aux votants afin qu’il lui fasse la courte échelle pour accéder au trône. Le démagogue est animé par une obsession pathologique : jouir de la puissance donnée le pouvoir – il se moque bien de la République, de la Nation, de l’intérêt général, du bien public, du Peuple, de la France, et autres fétiches dont il se remplit la bouche en permanence et qui saturent toutes ses prises de position.Le risque du suffrage universel qui pose dans l’absolu l’équation un homme égale un vote est qu’on gagne moins à s’adresser à la raison, à l’intelligence, au bon sens du citoyen, qu’à ses fameuses passions tristes si vives à enflammer tant la misère morale et mentale est grande. Peu importe, il faut choisir des inconvénients et, somme toute, le suffrage universel vaut mieux qu’un cens, quel qu’il soit. Si la mesure de l’intelligence politique est impensable, celle de la démagogie est possible. Tout homme – ou femme bien sûr…- politique qui parle à rebours de ce qu’enseigne son passé d’élu est un démagogue. Tout homme qui dit pour demain l’inverse de ce qu’il a fait pendant une carrière en est un. Plus l’écart est grand entre son action passée et ses paroles présente, plus c’est un maître en démagogie. Démagogue en chef, par exemple, Jacques Chirac creusant la fameuse « fracture sociale » pendant un quart de siècle d’action politique aux plus hauts sommets et, après s’en être indigné, sollicitant les électeurs pour la combler ; Jacques Chirac polluant pendant le même temps les nappes phréatiques avec ses décisions en matière agricole et, après s’en être offusqué, affirmant la nécessité d’une écologie qu’il incarnerait ; Jacques Chirac violant la République pendant des décennies – des frais de bouche aux emplois fictifs , en passant par les marchés truqués ou les faux électeurs- et s’en disant le garant comme chef de l’Etat. La liste est longue, chacun le sait...Prétendant au remplacement et au titre, Nicolas Sarkozy est en passe de décrocher la timbale. Car ce maire refusant la construction de logements sociaux dans sa ville de Neuilly ; cet homme de parti plusieurs fois traître à son camp ; cet encarté défendant une politique de droite depuis son plus jeune âge ; cet allié des puissants fort avec les faibles, faible avec les forts ; cet ami des patrons de presse qui demande et obtient le licenciement d’ un directeur de journal qui expose sa vie privée en dehors des clous fixés par le ministre habituellement iconophile ; ce vindicatif fasciné par les nettoyages de banlieues au kärcher ; cet expéditif qui assimile tout jeune des banlieues à de la racaille ; ce courtisan de Georges Bush auprès duquel il tient des propos de féal de l’autre côté de l’Atlantique ; ce ministre qui convoque place Beauvau le directeur d’une maison d’édition pour interdire un livre à paraître sur son épouse volage ; cet homme, donc, n’existe pas, ou plus, car il a changé… Ce Nicolas Sarkozy est mort. Enterré. Fini. Décédé. Terminé. Disparu. Trépassé. Plus d’un quart de siècle d’une carrière politique s’envole en fumée. Plus de traces. Pas de preuves. C’était hier. Aujourd’hui, plus rien n’existe comme avant. Car il a changé sous le coup d’une souffrance : cet homme, rendez-vous compte, a été trahi, abandonné, quitté par sa femme – dont il est tombé amoureux le jour même où, maire qui officiait, il a décidé qu’elle ne resterait pas longtemps l’épouse de Jacques Martin, le mari du jour. Avec ce banal adultère des familles, Nicolas Sarkozy a appris la douleur, la peine, le petit homme est devenu grand. Désormais, il peut être Chef de l’Etat.Donc cet homme nouveau n’a plus rien à voir avec le méchant, le partisan, le sectaire, le traître, le disciplinaire, l’autoritaire, le velléitaire, le réactionnaire, le colérique, l’irascible, le nerveux, l’atrabilaire, le susceptible, l’arrogant, l’ambitieux qu’enseignent trente années de pratique politicienne de Neuilly à Beauvau . Et cette métamorphose, promis, juré, craché, n’a rien à voir avec le désir d’obtenir les suffrages d’électeurs qui disposeraient encore d’ un peu de mémoire et dont l’intelligence ou le bon sens auraient survécus au pilonnage médiatique et hagiographique massif depuis des années de matraquage iconique. Dès lors, l’homme nouveau, le Nicolas rédimé, le Sarkozy métamorphosé, le candidat aux stigmates présidentiels fait sa déclaration de candidature là même où Chirac avait fait la sienne – qui offrira un jour à cet homme le sur la psychanalyse ? « Le canard enchaîné » prouve dans son édition suivante qu’il n’y avait pas plus de 25.000 personnes, la presse quasi unanime, déjà aux ordres, annonce 100.000 , et ne publiera pas de rectificatif – là comme ailleurs.Son porte plume Henri Guaino taille le costume nouveau : cet homme qui soutient et met en œuvre depuis trente ans la politique libérale qui génère chômage, misère, pauvreté, délocalisations, paupérisation cite Jaurès et de Blum ; ce maire qui refuse les bâtiments sociaux dans sa ville en appelle maintenant au droit opposable au logement ; le copain des coquins patrons de presse qui débarquent le directeur de « Paris Match » responsable de la publication de l’icône de l’adultère uxoral se fend d’une lettre de soutien à « Charlie Hebdo » embarqué dans un procès moyenâgeux au nom de la liberté de la presse ; le quêteur d’onction américaine qui fait acte d’allégeance à Bush et se désolidarise des positions françaises à la Maison Blanche se réclame désormais du Général de Gaulle et de la Résistance ; ce pourfendeur des syndicats, de la réduction du temps de travail, de l’abaissement de l’âge de la retraite, du droit de grève célèbre la mémoire du communiste Guy Môcquet ; cet homme aux rares neurones intellectuels, qui, pour toute caution culturelle, met en avant Doc Gynéco, Christian Clavier, Johnny Hallyday – courtisan de tous les présidents de la V° depuis qu’il paie des impôts-, cet être qui, hier, ricanait et sortait son revolver dès qu’il entendait le nom de , cite aujourd’hui Voltaire, Victor Hugo , Emile Zola ; ce traître, ce cynique, cet immoraliste, cet apostat multirécidiviste se paie même le culot d’en appeler à la morale, aux valeurs, aux vertus ; cet aspirant nettoyeur de banlieues convoque blacks et beurs sur les podiums de ses meetings ; cet habitué des palais de la République, de l’or des logements de fonction , des lambris de ministères, des voitures avec gyrophares, et escortes policières, débarque devant les caméras en Renault de gamme moyenne pour monter à la tribune et convoquer une fois encore Jaurès et Blum , mais à la Mutualité cette fois ci !Si l’on veut désormais que les mots puissent encore signifier, alors recadrons les choses et destinons lui celui de démagogue, de candidat de la démagogie, de roi de la démagogie, de chef de la démagogie, de président de la démagogie. Trente années de politique , de la mairie au ministère en passant par les instances départementales et régionales, témoignent de la nature véritable de cet homme de droite qui revêt aujourd’hui des habits de la gauche. C’est un loup déguisé dans les vielles nippes d’une grand-mère. On connaît l’histoire… Je crains que les habits nouveaux séduisent les amateurs d’histoire, de fable, de romans, de films, de fictions. Le soir du deuxième tour, la grand-mère pourrait bien apparaître à la fenêtre de l’Elysée, les habits du travestissement abandonnés à même le sol , démaquillée, avec le visage qu’on lui connaît depuis trois décennies : celui d’un prédateur. Ce soir là, il sera trop tard pour tous les chaperons - rouges ou non…

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12 février 2007 1 12 /02 /février /2007 15:46
Pour un autre Programme
par Lucie Aubrac* et Raymond Aubrac**

 
Quelle audace réconfortante ! Quand le poids des injustices devient trop lourd, il faut changer. Mais ceux qui nous le disent ici n’ajoutent pas qu’eux seuls seraient capables de résoudre tous les problèmes si on leur confiait le pouvoir : ce ne sont pas des candidats à une élection. Autorisés, dans leur domaine, par leur compétence et expérience, ils savent ce qui va mal et pourquoi ça va mal. Ils dénoncent quand il le faut les responsables et ils proposent comment peut être rétablie l’efficacité, comment peut être rétablie la justice. Voilà une vraie démarche citoyenne.

Dans une société pourtant si riche, mais qui a perdu son élan vital et qui ne propose à ses enfants rien qui puisse les mobiliser, la leçon d’anatomie découvre l’égoïsme, le repli sur soi, le peur et le mépris de l’autre, le déni de l’intérêt général au bénéfice de quelques particuliers, bref le recul de la démocratie. Nous savons qu’attaquer la démocratie nourrit l’intolérance et le racisme.

Nous nous souvenons qu’il y a peu, car soixante ans n’est pas si long, notre pays sortait d’une catastrophe. Il avait été pillé, rançonné, détruit dans ses œuvres vives pas des forces brutales, et nous avions su résister, c’est à dire comprendre et oser. Pour retrouver la liberté et les valeurs de la République, bien des hommes et des femmes avaient donné leur vie. Cette résistance avait catalysé l’élan vital qui nous avait permis de remettre debout un pays de citoyens capables de rétablir une démocratie créatrice.

Résister c’est oser. Oser, c’est créer. Encore faut-il une feuille de route, établie après l’analyse de la situation.

Mais regardons de plus près cette feuille de route qui a, il y a soixante ans, rétabli et rénové notre démocratie : le Programme du Conseil national de la résistance (CNR). Elle prépare, en effet, les principales réformes qui ont été réalisées après la Libération : nationalisation de grandes entreprises, de banques, de services publics ; création de la Sécurité sociale pour tous les salariés, liberté de la presse, etc. Elles étaient les têtes de chapitre du programme de gouvernement de ceux qui ont alors dirigé notre pays, avec le Général de Gaule et les principaux dirigeants de la Résistance : mouvements, syndicats, partis politiques.

Mais ces réformes, souvent fondamentales, ne sont proposées que dans la seconde partie du Programme du CNR. La première consiste à définir les moyens de la lutte qui permettra de les entreprendre : comment il fallait s’organiser pour mettre la démocratie au pouvoir, en luttant contre l’ennemi occupant le pays, et ses auxiliaires au service de ce qu’on appelait « l’Etat Français », le régime pétainiste de Vichy. Ainsi fut conduite la lutte pour la Libération, lutte militaire et politique. C’est après la victoire, obtenue grâce aux efforts et aux sacrifices de nos alliés, les Soviétiques, les Britanniques et les Américains, avec les combats des Français, que la seconde partie du Programme du CNR put être appliquée.

Si nous réfléchissons aux conditions actuelles, nous devons conclure que cet Autre Programme qui nous est proposé dans cet ouvrage ne pourra être appliqué qu’après une autre forme de lutte, contre des adversaires et des obstacles qui ne sont plus, heureusement, des forces armées ou des polices mais qui ne sont pas, pour autant, faciles à surmonter.

Il faudra d’abord connaître ces obstacles. Certains sont autour de nous : l’égoïsme, la résignation, la peur du changement, l’implantation solide, dans notre pays, de forces politiques, sociales et financières qui ont le plus grand intérêt à ce que rien ne change. Elles disposent d’un large éventail de moyens matériels et psychologiques. D’autres sont le résultat de l’état actuel du monde, le produit de transformations historiques à l’échelle internationale qu’il n’est pas lieu de décrire ici. Mentionnons seulement l’emprise mondiale des forces financières, avec la constante accumulation d’énormes masses de capitaux, aidées par la révolution des communications, et qui cherchent partout des placements rentables financièrement et/ou politiquement. Ces forces, elles aussi, ont le plus grand intérêt à ce que rien ne change.

L’ouvrage qui nous est ici proposé définit un Autre Programme. Est-ce une utopie ? Une utopie réaliste alors, fondée par des connaissances accumulées et des engagements de terrain. Une utopie qui ne livre pas la voie toute tracée vers une société idéale mais exprime la possibilité de résister à l’ordre établi, à l’ordre promis.

On résiste contre un état de choses, mais on résiste aussi pour créer quelque chose. Définir les injustices actuelles et montrer de quels matériaux pourrait être construit un monde meilleur, c’est créer les premières conditions pour que s’engage le combat victorieux. Résister, c’est créer.
Lucie Aubrac* et Raymond Aubrac**

* Résistante.
** Résistant.
 
 
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11 février 2007 7 11 /02 /février /2007 17:10

Toutes les propositions du Pacte présidentiel de Ségolène Royal

Voici les 100 propositions de Ségolène Royal, construites sur les synthèses des fameux débats participatifs et à partir du projet socialiste. Vous pouvez également les télécharger à la fin de l'article en format PDF.


La Présidente de la confiance retrouvée

Remontée des débats

Pour relancer la croissance, les participants aux débats se sont prononcés davantage pour des réformes structurelles que pour des politiques macroéconomiques nécessairement limitées par l'ampleur de la dette publique.

Il faut stimuler la création d'entreprises, renforcer l'investissement et la recherche, remédier à la sous-qualification, développer la formation professionnelle, soutenir les PME et renforcer l'efficacité de la dépense publique.

Enjeux

Un développement durable, une croissance forte, une dette publique maîtrisée, la réconciliation des Français avec les entreprises sont les préalables nécessaires à un retour de la confiance, à l'esprit d'initiative, à un partage effectif des richesses et à une maîtrise de la mondialisation.

Propositions

1- Investir massivement dans l'innovation et la recherche : augmentation pendant le quinquennat du budget de la recherche et des crédits publics pour l'innovation de 10 % par an (le budget public de recherche-développement a diminué de 1 à 0,8% du PIB entre 2002 et 2005). Sur les 65 milliards d'aide aux entreprises, seuls 5 % sont orientés vers la recherche-développement : je propose de porter cette part à 15%.

2- Mettre en place une politique industrielle capable de préparer l'avenir et de réduire les risques de délocalisations avec la création d'une Agence nationale de réindustrialisation.

3- Soutenir les PME avec la création de fonds publics régionaux de participation et en leur réservant une part dans les marchés publics.

4- Donner la priorité à l'investissement des entreprises avec un taux d'impôt sur les sociétés plus bas si le bénéfice est réinvesti et plus haut s'il est distribué aux actionnaires.

5- Sécuriser le parcours des jeunes créateurs en soutenant la création d'entreprises (simplifications), en généralisant les ateliers de la création dans toutes les régions, en améliorant la protection sociale des entrepreneurs, et en mettant en place un mécanisme de cautionnement mutuel pour ceux qui garantissent les emprunts de leur entreprise sur leur patrimoine privé.

6- Réformer l'Etat : un euro dépensé doit être un euro utile. Une décentralisation aboutie. Des services publics de qualité présents sur tout le territoire et accessibles par Internet. La généralisation des logiciels libres dans l'administration.

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La Présidente du pouvoir d'achat garanti

Remontée des débats

L'introduction de l'euro, l'augmentation de la fiscalité locale, la hausse des prix de l'énergie et le manque de concurrence dans certains secteurs sont considérés comme étant à l'origine de la vie chère. L'indice des prix ne reflète pas la réalité de la consommation : il est incomplet, il ne prend pas en compte des dépenses nouvelles, et il ne pondère par les dépenses selon les revenus.

Mais la vie chère c‘est surtout le logement : le consensus est total sur la gravité de la situation. Il n'y a pas assez de logements, les logements sont trop chers. Il faut mieux appliquer la loi SRU, adopter une politique active de construction de logements, et mettre en place un service public de la caution : « contre la dictature des agences et des proprios. »

Le surendettement des ménages est également une préoccupation. La publicité pour les prêts à la consommation et les conditions d'obtention des crédits doivent être davantage réglementée. Il est également nécessaire d'offrir de nouvelles formes de crédits solidaires.

Pour la participants des débats, le constat est net : les salaires stagnent et la précarité augmente. La hausse des salaires est économiquement justifiée mais doit être financée. L'Etat doit s'impliquer par une politique volontariste et prendre sa part de l'effort de financement.

Le recours aux heures supplémentaires n'est pas considéré comme une solution adaptée à tous. Elles ne sont pas toujours payées et ne concernent pas tous les salariés. De plus c'est souvent l'employeur qui oblige, pas l'employé qui choisit : « C'est ignorer le monde du travail que de prétendre le contraire. »

Il faut revaloriser les petites retraites et réformer, globalement, le système des retraites. Les principales victimes en sont les femmes (veuves), le monde agricole et l'artisanat.

Enjeux

La vie chère est une réalité vécue par une grande majorité de Français et pas seulement les plus modestes. Les salaires stagnent, les pensions s'amenuisent, les prestations sociales ne compensent pas les aléas de la vie. L'accès de tous à un logement de qualité est devenu difficile pour de nombreuses familles.

Propositions

7- Augmenter les salaires :
- Le SMIC sera porté à 1500 €, le plus tôt possible dans la législature.
- Afin de tirer vers le haut tous les salaires, une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux sera organisée dès juin 2007. Cette conférence sera annuelle.


8- Revaloriser immédiatement les petites retraites :
- L'amélioration des petites retraites sera la première priorité de la réforme des retraites. Elles seront augmentées de 5%.
- Le minimum vieillesse sera versé mensuellement.
- Le paiement des retraites de la sécurité sociale sera rétabli au 1er jour de chaque mois.

9- Revaloriser immédiatement de 5% les allocations aux personnes en situation de handicap.

10- Doubler l'allocation de rentrée scolaire qui sera versée aux familles en deux fois.

11- Réduire les coûts bancaires :
- Les tarifs bancaires seront réglementés par l'Etat : les agios et les pénalités liées aux incidents de paiement seront plafonnés et feront systématiquement l'objet d'une facture.
- L'Etat créera un service universel bancaire de base, favorisant les prêts sociaux et le micro-crédit.
- Afin de prévenir le surendettement, la publicité pour les prêts à la consommation sera réglementée et les établissements financiers qui octroieraient un crédit à des personnes non solvables seront sanctionnés. Ils devront participer au règlement des situations de surendettement à parité avec les organismes publics.

12- Lutter contre le logement cher, une sécurité logement tout au long de la vie :

- Augmenter les allocations logement de manière à limiter à 25% le montant des dépenses de logement pour les ménages modestes.
- Construire 120 000 logements sociaux par an grâce à une incitation au livret A . L'Etat pourra se substituer aux maires qui n'appliquent pas la loi SRU.
- Créer un service public de la caution afin que celle-ci ne soit plus un frein à l'accès au logement tout en sécurisant le propriétaire. En contrepartie, les procédures d'expulsion des locataires de mauvaise foi seront simplifiées.
- Conditionner les avantages fiscaux et les aides publiques à une modération des loyers.
- Remettre à la location les logements vacants spéculatifs. Les communes pourront également les acquérir par une procédure exceptionnelle.
- Encourager l'accès à la propriété par l'extension des prêts à taux zéro. Dans le logement social, les locataires qui ont payé pendant 15 ans leur loyer pourront accéder à la propriété.
- Sanctionner financièrement les communes qui ne respectent pas le ratio moyen de un pour mille habitants pour les hébergements d'urgence.


13- Mettre en place plusieurs indices des prix reflétant la dépense des ménages (minima sociaux, SMIC, retraites).

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La Présidente du travail pour tous

Remontée des débats

Les débats ont beaucoup porté sur la précarité du travail. Cette précarité touche même les diplômés, qui enchaînent, faute de trouver un emploi, des stages non rémunérés. L'ascenseur social est bloqué. Seuls les plus favorisés s'en sortent. Les jeunes sont convaincus qu'ils auront une vie moins agréable que leur parent.

La sécurité sociale doit s'inscrire dans une démarche du « donnant-donnant ». Les droits nouveaux doivent être accompagnés de devoirs nouveaux. On passerait d'une logique « passive » dans laquelle on donne une allocation à une logique « active » pour définir un parcours d'évolution vers l'emploi.

Pour lutter plus efficacement contre les délocalisations, plusieurs intervenants suggèrent de favoriser l'actionnariat salarié.

Enjeux

Le chômage ne baisse pas, sauf dans les statistiques officielles, la précarité se répand, le nombre de Rmistes a augmenté de plus de 250 000 depuis 2002. 70 % des embauches se font avec des CDD et de l'intérim. Et comment travailler plus quand tant de jeunes et de moins jeunes voudraient travailler tous ?

Propositions

- Lutter contre la précarité

14- Conditionner les aides publiques aux entreprises à l'engagement de ne pas licencier quand l'entreprise dégage des profits substantiels et obtenir le remboursement en cas de délocalisation.

15- Moduler les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales, en fonction de la nature des contrats de travail, et supprimer le CNE pour faire du CDI la règle.

16- Développer la négociation collective à tous les niveaux et sur tous les thèmes,notamment sur les questions d'organisation du travail, de conditions de travail, d'aménagement du temps de travail, de pénibilité, de temps partiel subi. Sur les 35 heures : ouvrir les négociations pour déterminer comment on peut consolider cet acquis et réduire ses effets négatifs pour les ouvriers et les employés.

- Sécuriser l'entrée des jeunes dans la vie active

17- Créer le droit au premier emploi des jeunes, pour qu'aucun jeune ne reste au chômage au-delà de six mois sans avoir un accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés. Ouvrir 500 000 emplois tremplins aux jeunes, en généralisant la mesure prise par les régions de gauche.

18- Instaurer un plan à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeune pour l'aider à construire un projet.

- Favoriser le retour à l'emploi

19- Mettre en place un revenu de solidarité active (RSA) permettant l'amélioration d'un tiers de ses ressources à tout bénéficiaire de minima sociaux reprenant le travail.

20- Renforcer la qualification et la capacité de revenir à l'emploi des salariés menacés de licenciement : mettre en œuvre systématiquement une démarche de validation des acquis de l'expérience professionnelle et reconnaître à chacun un droit à la formation et à la reconversion inversement proportionnel à la durée des études.

21- Mettre en place une sécurité sociale professionnelle garantie par l'Etat et permettant à chaque personne privée d'emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs comportant :

- une rémunération, pendant un an, égale à 90 % du dernier salaire net perçu ;
- une formation qualifiante ;
- une aide personnalisée à la recherche d'emploi ;

Cette prestation sera assurée par le service public de l'emploi.

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La Présidente de la réussite éducative et culturelle

Remontée des débats

L'école n'apparaît plus comme un lieu sacralisé, les élèves semblent perdre, peu à peu, leurs repères. Pourtant, l'école joue un rôle essentiel en tant que lieu de socialisation. C'est le lieu où doit s'apprendre le respect des règles du bien vivre en société. Les élèves et les citoyens en puissance qui doivent être formés.

Les ZEP ont été beaucoup débattues. L'individualisation du parcours scolaire, le soutien personnalisé aux devoirs permettraient de remédier à l'échec scolaire. La création de classes à « géométrie variable » avec un maximum de 25 élèves par classe a été régulièrement évoquée.

La formation des enseignants est également abordée. Repenser totalement l'IUFM, encourager la formation continue, telles sont quelques unes des suggestions concrètes des internautes.

Sur la carte scolaire, certains pensent qu'une utilisation différente permettrait de résoudre certains problèmes, d'autres citent à plusieurs reprises l'exemple de la ville de Tours, qui a réintégré dans le centre ville les ZEP afin de favoriser la mixité sociale.

La nécessité d'un lien très fort entre l'école et les parents est soulignée pour réinstaurer la confiance réciproque. La multiplication des rencontres entre les parents et les professeurs est souhaitée tant la responsabilisation des parents est perçue comme un levier essentiel.

Se dégage le sentiment que le temps de la réforme est arrivé. Que l'école revienne aux fondamentaux ou qu'elle s'engage résolument dans la modernité, la réforme paraît essentielle pour réduire les inégalités sociales, pour permettre à tous les enfants de trouver leur place dans la société.

Enjeux

Aujourd'hui, 150 000 élèves sortent du système scolaire sans qualification. L'école doit tenir la promesse républicaine d'égalité scolaire.

Propositions

- Reconnaître la mission fondamentale des enseignants

22- Organiser des Etats généraux des enseignants sur le mode participatif, pour améliorer leurs conditions de travail dans l'école, assurer la pleine reconnaissance de leurs missions et préparer un plan pluriannuel de recrutement des enseignants, de formation et de résorption de l'emploi précaire.

- S'attaquer à l'échec scolaire à la racine

23- Mettre en place un service public de la petite enfance et la scolarisation obligatoire dès 3 ans. Assurer la maîtrise de la langue parlée à la maternelle.

- Réaliser la promesse républicaine d'égalité scolaire

24- Organiser le soutien scolaire gratuit pour tous les élèves grâce à des répétiteurs.

25- Limiter à 17 le nombre d'élèves par classe en CP et en CE1 dans les ZEP et fixer la dotation aux établissements par élève en difficulté à 25% de plus que la dotation ordinaire.

26- Réviser la carte scolaire pour supprimer les ghettos scolaires, assurer la mixité sociale et constituer des réseaux d'éducation prioritaire.

27- Renforcer la présence adulte dans les établissements y compris, lorsque ce sera nécessaire, par la présence d'un deuxième adulte dans les classes.

28- Implanter des classes préparatoires aux grandes écoles dans les quartiers qui en sont dépourvus. L'excellence scolaire ne doit pas être réservée aux établissements de centre-ville.

- Epauler les parents en difficulté

29- Créer des emplois-parents, la généralisation d'écoles des parents et des consultations de médiation familiale pour les aider à conforter leur autorité.

- Donner à notre Université les moyens de l'excellence

30- Adopter une loi de programmation pour redonner à nos universités les moyens de l'excellence. En 5 ans, la dépense par étudiant sera portée au même niveau que la moyenne des pays de l'OCDE. Renforcer l'autonomie des universités dans le cadre national. Associer les régions à la remise à niveau des universités (bâtiments, logements étudiants…).

31- Créer un service public d'orientation pour que les jeunes soient informés pleinement des débouchés offerts par chaque filière.

32- Créer une allocation autonomie pour les jeunes sous condition de ressources avec un contrat pour faciliter les études et l'entrée dans la vie active.

33- Engager le chantier national proposé par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale.

- La culture, levier de la réussite scolaire

34- Soutenir la création et l'emploi culturels.

35- Inscrire l'éducation artistique et la pratique artistique à tous les niveaux de la maternelle à l'université. A cette fin, sera mis en oeuvre un plan national, avec les Régions, d'aménagement d'équipements culturels dans les universités et les lycées (salles de répétition et de spectacles, ateliers-studios, tables de montage, etc.). Les intermittents du spectacle et les élèves des écoles supérieures spécialisées pourront participer à ce mouvement en résidence d'artistes.

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La Présidente de la sécurité sociale

Remontée des débats

La hausse du coût de la santé et l'égalité d'accès aux soins ont été largement débattues. La CMU est très commentée. Jugée imparfaite, sa vocation première est toutefois reconnue comme louable.

« La retraite ne doit pas être une mort sociale. Rien n'est plus beau que la liberté que donne la retraite, à condition d'avoir les moyens ». Les discours sur les bienfaits de l'allongement de la durée de la vie qui justifieraient le recul de l'âge de la retraite, semblent être destinés à des privilégiés et non à ceux qui ont travaillé tôt avec des conditions de travail pénibles.

Le financement des retraites n'est pas garanti. Cela préoccupe toutes les générations. Une modification des règles n'est pas exclue, pourvu qu'elles soit équitable et justifiée.

Si le nombre de personnes âgées dépendantes ne fait que croître dans les années à venir, le souci qu'elles vieillissent dans la dignité et le respect, qu'elles restent des citoyens actifs jusqu'au bout ressort des débats. « Oui, la jeunesse, c'est important. Mais que penser d'une société qui ne fait pas tout pour ses aînés dépendants ?»

Enjeux

La droite a fragilisé notre sécurité sociale en laissant se creuser les déficits, en votant une réforme des retraites injuste, en multipliant les franchises pour les soins et en déstabilisant l'hôpital public.

Propositions

- La santé pour tous

36- Mettre en œuvre un grand plan de prévention et de recherche des maladies graves (cancer, SIDA, Alzheimer, maladies orphelines).

37- Assurer de façon pérenne le financement de l'hôpital public, de manière à lui permettre de faire face à toutes ses missions en veillant à l'égalité territoriale d'accès aux soins.

38- Créer des dispensaires, notamment dans les zones rurales.

39- Mettre en œuvre une carte santé jeune 16/25 ans ouvrant droit à la gratuité d'une consultation par semestre. Contraception gratuite pour les jeunes femmes de moins de 25 ans.

40- Renforcer les moyens de la médecine scolaire et universitaire, et de la médecine du travail.

41- Réaffirmer le droit à la CMU et sanctionner les refus de soins.

42- Adapter les conditions d'attribution de l'allocation adultes handicapés (AAH) aux maladies évolutives à diagnostic incertain.

43- Mettre en œuvre une politique de lutte contre l'obésité, fondée sur une détection précoce et des actions sur la qualité de l'alimentation.

44- Rétablir les moyens supprimés par la droite pour les soins aux étrangers en situation irrégulière, pour des raisons de dignité et de santé publique.

45- Négocier avec les partenaires sociaux le renforcement de l'indépendance de la médecine du travail.

46- Défendre l'accès aux soins des malades dans les pays en développement, par la promotion de médicaments génériques moins coûteux.

- Sécuriser les retraites

47- Ouvrir avec les partenaires sociaux une large négociation portant notamment sur :
- la fixation d'un minimum de pension garantie s'approchant du SMIC,
- la revalorisation des petites retraites,
- la prise en compte du travail pénible et des charges de famille,
- l'augmentation de l'emploi des seniors,
- le mode de financement des régimes spéciaux,
- la remise à niveau du fonds de réserve des retraites,

- Dépendance et personnes âgées

48- Développer le maintien à domicile des personnes âgées.

49- Augmenter le nombre de places dans les structures d'accueil existantes en renforçant la formation du personnel et sa qualification.

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La Présidente de la lutte contre toutes les formes de violence


Remontée des débats

Les actes de violences semblent se banaliser : aux atteintes physique aux personnes, s'ajoutent les atteintes aux biens, les actes d'incivilités, mais aussi les violences routières, les violences morales, les discriminations, etc. Tout traduit la montée de la violence de la société, en dépit des annonces rassurantes des autorités de l'Etat, le sentiment d'insécurité apparaît comme profondément ancré. Nombreux sont, d'ailleurs, les contributeurs qui contestent les statistiques, évoquant le « flou des chiffres ».

Les violences domestiques touchent toutes les catégories sociales, et concernent les adultes comme les enfants. La violence en milieu scolaire est souvent évoquée, tout comme celle ayant désormais cours sur les terrains de sport, pourtant cités comme des lieux de fraternité.

La sécurité est un droit des citoyens et un devoir de l'Etat. Pour les contributeurs, cette coopération doit se faire au niveau local via une police « aux cotés des citoyens », qu'on l'appelle « police de proximité », « police de quartier » ou « police de contact ».

Les mesures répressives, pour être efficaces, doivent s'accompagner de mesures éducatives : développement des peines alternatives et des travaux d'intérêt général (TIG). Réinsertion, revalorisation et surtout accompagnement ont été les maîtres mots de ce débat.

Enjeux

Le droit à la sécurité et la justice sont des droits fondamentaux. Les violences, notamment les atteintes aux personnes, n'ont cessé d'augmenter depuis 2002. Il faut être lucide et implacable contre toutes les délinquances et avec toutes les causes des violences.
Propositions

- Lutter résolument contre les violences

50- Rétablir la civilité :
- Apprendre la civilité aux enfants : des programmes d'éducation au respect de l'autre pour apprendre aux enfants à gérer les conflits par la parole plutôt que par la violence.
- Garantir à chacun de voyager sans crainte dans les transports en commun (RER, TER, trains de banlieue, tram et bus, spécialement la nuit) en imposant des obligations règlementaires plus grandes aux transporteurs (recours plus grand aux équipements technologiques, personnel plus importants aux horaires sensibles…).
- Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux.

51- Lutter contre les violences scolaires en renforçant la présence des adultes dans les établissements :
- Recruter des surveillants des collèges.
- Doter chaque établissement d'une infirmière scolaire et d'une assistante sociale à temps plein.

52- Etre ferme face aux mineurs violents :
- Mettre en place une politique de prévention précoce de la violence : encadrement éducatif renforcé, mise en place de tuteurs référents.
- Développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines.
- Prendre des sanctions fermes et rapides : un plan d'urgence sera mis en place pour la justice des mineurs (recrutement de juges des enfants, d'éducateurs, de greffiers)
- Mettre en œuvre des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance : suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d'atteintes graves aux personnes ; développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire.

53- Faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale :
Faire adopter une loi cadre sur les violences conjugales prenant en compte tous les aspects permettant d'éradiquer ce fléau.

54- Créer une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne :
- Procéder à une répartition plus juste des effectifs : donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles.
- Affecter des policiers expérimentés, bénéficiant d'une réelle différenciation de rémunération, dans les secteurs plus difficiles (avantages de carrières, aides au logement, etc.)

55- Aider les victimes :
- Faciliter et moderniser le dépôt de plainte pour briser la loi du silence : amélioration de l'accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, possibilité de déposer plainte via Internet.
- Mettre un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l'heure suivant le dépôt de plainte.

- Répondre au besoin de justice

56- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits.

57- Faciliter l'accès à la justice des plus modestes :
- Renforcer l'aide juridictionnelle.
- Renforcer les maisons de la justice et du droit
- Mettre en place un service public d'aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes.

58- Protéger les citoyens :
- Assurer la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue.
- Encadrer strictement le recours à la détention provisoire dont la France use beaucoup plus largement que les autres pays européens, en imposant notamment des délais butoirs.
- Renforcer les alternatives à la prison préventive.
- Assurer dans les prisons des conditions qui permettent la réinsertion du détenu.
- Créer un organe indépendant de contrôle des prisons.


59- Rendre la justice impartiale et efficace :
- Modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature pour garantir son pluralisme et l'équilibre entre magistrats et non magistrats.
- Recomposer l'organisation judiciaire en fonction des besoins et de la démographie de la population.
- Réformer la justice du travail après consultation des acteurs concernés.
- Mettre en place la possibilité de conduire des « actions de groupe ».

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La Présidente de l'excellence environnementale


Remontée des débats

Les intervenants sont soucieux de la gravité de la crise écologique, et particulièrement préoccupés par les risques liés au changement climatique. Plusieurs se sont interrogés sur les limites de la croissance : « Il faut produire moins et mieux » et « réduire notre train de vie pour tendre vers un modèle économique plus écologique », car « croire à une croissance infinie est croire à un mythe ».

Ce constat s'accompagne dans le même temps de l'idée que le changement est possible. « Si systématiquement tous les projets comportent un volet environnement, on peut faire assez rapidement changer les choses ».

Il faut des politiques publiques fortes, mais chacun doit aussi prendre ses responsabilités. De nombreux contributeurs invitent les pouvoirs publics à favoriser les éco-technologies durables et toutes les techniques dont l'emploi est moins néfaste à l'environnement.

Enfin l'environnement est perçu comme un secteur porteur pour le développement de nouveaux métiers, nouveaux services, et donc de nouveaux emplois durables.

Enjeux

Le réchauffement climatique impose un changement radical de nos comportements. Mais la sauvegarde de notre planète est aussi une chance pour la croissance économique et l'emploi. Nous pouvons donc choisir sereinement un nouveau modèle de développement.

Propositions

60- Préparer l'après pétrole :
- Anticiper l'épuisement du pétrole en soutenant massivement les énergies renouvelables pour atteindre 20% de la consommation en 2020, ce qui permettra de créer 70 000 emplois et de réduire la part du nucléaire.
- Créer un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF.

61- Lutter contre le changement climatique :
- Généraliser l'isolation et les économies d'énergie dans le logement, ce qui permettra de créer 80 000 emplois.
- Développer les transports collectifs grâce à un prélèvement exceptionnel sur les superprofits des sociétés pétrolières.
- Appliquer le principe pollueur-payeur en organisant la responsabilité des entreprises responsables d'atteintes à l'environnement.
- Instaurer la vérité des coûts du transport de marchandises par la route en négociant une éco-redevance pour décourager le transport par camion et transférer le fret vers le rail, comme dans d'autres pays européens.


62- Développer la valeur ajoutée environnementale :
- Conditionner les nouveaux permis de construire à l'adoption d'objectifs HQE (Haute qualité environnementale) dans la totalité du parc immobilier public.
- Encourager les éco-industries par une TVA tendant vers zéro.

63- Mobiliser toute la société au service de l'excellence environnementale :
- Créer un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable. La compétence du vice-Premier ministre sera élargie à la responsabilité de l'aménagement du territoire.
- Transformer le Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental (CESE).

64- Promouvoir la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement (OME).

65- Promouvoir une agriculture qui assure une alimentation de qualité, respectueuse de l'environnement :
- Favoriser la valeur ajoutée de nos produits agricoles afin d'améliorer les revenus et de favoriser l'installation des jeunes,
- Promouvoir la réorientation de la PAC vers les aides agro-environnementales, et assurer la transparence et une meilleure répartition des aides,
- Transférer aux Régions la gestion des aides directes à l'agriculture,
- Encourager les contributions des agriculteurs à la fourniture d'énergie (biomasse, agro-carburants, biogaz, fermes éoliennes).

66- Arrêter les essais des OGM en plein champ, dans l'attente des résultats d'un grand débat public qui définira la politique à mettre en œuvre pour ne pas handicaper les cultures conventionnelles et préserver le développement de l'agriculture biologique.

67- Prévenir l'impact des pollutions sur la santé :
- Encourager, par des incitations fiscales, les industries qui s'engageront à éliminer les composés toxiques au-delà des contraintes imposées par le règlement européen REACH.
- Mettre en œuvre un programme national de réduction de l'utilisation des pesticides.
- Atteindre l'objectif de zéro déchet industriel d'ici 2012.

68- Promouvoir l'idée d'une « PAC mondiale » pour organiser les marchés de manière plus équilibrée et donner une vraie chance à l'agriculture des pays en développement.

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La Présidente d'une République nouvelle

Remontée des débats

Les citoyens veulent prendre la parole plus souvent et plus directement pour décider eux-mêmes. « Référendum ou proposition d'initiative citoyenne », « droit de pétition », voire « référendum perpétuel », etc. Ttous les outils de la démocratie participative ont été explorés.

Ils veulent rapprocher le citoyen de l'élu, et être consultés et associés aux décisions. Il s'agit de restaurer la confiance et de renouveler les termes du débat public pour réconcilier les Français avec la politique. Les débatteurs aspirent à des élus qui ressemblent aux citoyens. Ils sont très nombreux à préconiser une plus stricte limitation du cumul des mandats.

En matière de modernisation des institutions, les participants évoquent notamment : l'instauration de la proportionnelle, le vote obligatoire, la reconnaissance du vote blanc, etc.

De nombreuses idées sont avancées pour repenser l'organisation territoriale, et notamment la simplifier. Les débatteurs aspirent à des services publics plus efficaces : « Nous voulons un Etat réformé, plus efficace et plus juste ».

Qu'on l'imagine obligatoire ou facultatif, d'une durée de quelques semaines ou de plusieurs mois, organisé dans un cadre strict ou sur la base d'un projet personnel, le service civique trouve un écho indéniable auprès des participants aux débats.

Les débats ont suscité de nombreux témoignages douloureux sur les discriminations liées au sexe, à l'âge pour les « presque seniors », à la religion, au quartier d'origine, au handicap, etc. L'homophobie dans le monde du travail a souvent été évoquée.

Enjeux

Trop de citoyens se sont éloignés de la politique et réfugiés dans l'abstention parce qu'ils avaient le sentiment, souvent justifié, qu'ils n'étaient ni écoutés ni considérés. La démocratie française a besoin d'eux et nous devons donc construire ensemble une République nouvelle.

Propositions

- Démocratiser les institutions

69- Instaurer le non cumul des mandats pour les parlementaires.

70- Introduire une part de proportionnelle pour l'élection des députés et modifier le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs.

71- Revaloriser le rôle du Parlement : le Premier ministre sollicitera dès sa nomination la confiance du Parlement, le vote bloqué et le 49-3 seront supprimés pour les lois ordinaires. La présidence des Commission des finances sera confiée à un membre de l'opposition.

72- Supprimer le droit de veto du Sénat en matière constitutionnelle.

73- Introduire la démocratie participative dans toutes les collectivités publiques (jurys citoyens, budgets participatifs, etc.). Des citoyens ayant recueilli un million de signatures pourront demander au Parlement l'examen d'une proposition de loi.

74- Refuser toute remise en cause de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, et intégrer à la Constitution une charte de la laïcité.

75- Donner le droit de vote pour les élections locales aux étrangers séjournant régulièrement en France depuis plus de cinq ans.

- Revivifier la démocratie sociale

76- Organiser systématiquement la concertation et la négociation préalablement à toute réforme en matière sociale, en fondant la représentativité des organisations sur l'élection et en généralisant le principe de l'accord majoritaire pour la validation des accords collectifs.

77- Promouvoir un syndicalisme de masse par un financement public transparent et en instituant une information systématique sur le droit syndical et les modalités d'adhésion lors de la signature du contrat de travail. Un crédit d'impôt sera accordé pour les cotisations syndicales.

78- Instaurer un service civique pour les jeunes.

- Protéger le pluralisme des médias

79- Etablir une Haute autorité du pluralisme dont les membres seront désignés par le Parlement à une majorité des 3/5èmes.

80- Renforcer les mesures anti-concentration.

81- Taxer les recettes publicitaires des chaînes privées en faveur de l'audiovisuel public.

- Les Outre-mers : assurer l'égalité, respecter la diversité

82- Garantir la continuité territoriale en imposant aux compagnies aériennes des obligations renforcées de service public.

83- Introduire un enseignement sur l'outre-mer dans les programmes scolaires, notamment sur l'histoire de l'esclavage.

84- Appliquer aux Outre-mers les principes de l'excellence environnementale et notamment de la protection de la biodiversité.

- Lutter contre les discriminations

85- Faire respecter l'égalité hommes-femmes, notamment au travail :
- Elaboration d'une charte pour l'égalité d'accès et l'égalité de traitement, ouverte à l'adhésion des entreprises et des services publics.
- Engagement de l'Etat pour une promotion égale des femmes et des hommes pour les emplois de responsabilité.

86- Renforcer les moyens de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE).

87- Garantir l'égalité des droits pour les couples de même sexe

--------------

La Présidente d'une France forte en Europe et active pour la paix dans le monde


Remontée des débats

Le constat est unanime : La France ne réussira pas seule. Elle doit s'appuyer sur l'Europe, mais pas sur n'importe quelle Europe. Reconstruire une Europe politique est la priorité pour beaucoup. Certains souhaitent le renforcement d'une diplomatie et d'une politique de défense européenne.

« Arrêtons le pessimisme ». « Il faut croire en la France et en ses capacités ». « Il faut une France sûre d'elle-même, capable d'agir pour l'intérêt européen et mondial. » « Nous voulons une France intégrée et ouverte». « Si la France offrait à nouveau une image d'ouverture et de modernité, elle deviendrait plus crédible et utile pour le monde ».

Les citoyens veulent une France solidaire des pays en développement, qui construise cette solidarité avec ces pays. De nombreux contributeurs souhaitent enfin « que l'ONU revienne au centre du jeu ».

S'agissant de l'immigration, « il faut agir avec tolérance, humanité et sans démagogie ». Les questions d'immigrations sont perçues comme intimement liées aux questions d'intégration et de respect.

Les citoyens s'accordent sur la nécessité d'adopter une approche globale de l'immigration, centrée sur l'intégration des immigrés en France (leurs conditions d'accueil sont jugées déplorables et humiliantes) et le co-développement avec les pays d'origine. « Il est nécessaire de maintenir un niveau suffisant d'immigration de travail ». « L'immigration choisie est profondément opportuniste et injuste à l'égard des pays d'origine ».

Enjeux

L'Europe est en panne et la voix de la France dans le monde est affaiblie. Or le monde a besoin de l'Europe et les Français aussi.

Propositions

- Redonner un nouveau souffle à l'Europe

88- Construire une Europe plus protectrice et plus en phase avec les besoins de ses citoyens : mettre en place rapidement des politiques communes ambitieuses sur les enjeux majeurs : recherche/innovation, énergie, environnement ; préserver, par une directive-cadre le développement de services publics de qualité.

89- Inscrire dans les statuts de la Banque centrale européenne l'objectif de croissance-emploi ; créer un gouvernement de la zone euro.

90- Tirer vers le haut le niveau de vie et la protection sociale dans tous les pays européens grâce à un protocole social.

91- Négocier un traité institutionnel soumis à référendum pour que l'Europe fonctionne de manière plus démocratique et plus efficace.

92- Lancer avec nos partenaires européens une initiative pour une Conférence internationale de paix et de sécurité au Proche Orient.

- Assurer la sécurité de la France

93- Doter notre défense nationale de moyens à la hauteur des risques nouveaux auxquels nous sommes confrontés. Notre capacité de dissuasion nucléaire doit être préservée.

94- Inscrire notre effort de défense dans une politique européenne de sécurité, avec des coopérations en matière de recherche/innovation et d'équipements. L'objectif est à la fois de renforcer notre sécurité et de rationaliser nos dépenses.

- La France active pour la paix dans le monde

95- Maîtriser la mondialisation en oeuvrant à une plus grande transparence et efficacité des instruments de régulation : introduire à l'OMC une hiérarchie des normes qui équilibre les mesures de nature commerciale par le respect des normes sociales et environnementales ; réformer profondément le FMI et la Banque mondiale pour en faire des instruments au service du développement humain ; mettre en place une taxe sur les flux financiers de type Tobin.

96- Réviser notre politique d'aide au développement : passer à un véritable co-développement en favorisant les projets concrets associant directement les bénéficiaires.

97- Relancer la coopération euroméditerranéenne.

- Immigration

98- Instituer un visa permettant des aller-retour multiples sur plusieurs années, afin que les migrations s'adaptent aux besoins réels du marché du travail.

99- Rétablir la règle des 10 ans comme critère de régularisation.

100- Régulariser les sans papiers à partir de critères fondés sur la durée de présence en France, la scolarisation des enfants et la possession ou la promesse d'un contrat de travail.


Consulter l'intégralité des propositions dans le document PDF ci-dessous
 

Dimanche 11 Février 2007
Marianne2007.info

Pacte_presidentiel_SR.pdf Pacte presidentiel SR.pdf  (281.12 KB)

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9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 08:21

Glucksmann, ou l'amour du grand homme

par Jean-Marie Laclavetine*

 

 

"Pourquoi je choisis Nicolas Sarkozy"... Voyons, Glucksmann, il n'était pas vraiment utile de le préciser. Vous partagez tant de choses avec lui. Ce n'est pas un choix : c'est une pente, c'est un destin. Comme Nicolas, vous êtes empli d'un immense amour de vous-même et des hommes forts. Vous avez vénéré Mao, vous admirez George W. Bush, vous auriez adoré Picrochole, fût-ce pour en faire la cible de vos fulgurantes diatribes.

Il y a trente ans, vous professiez votre enthousiasme pour la pensée du Grand Timonier, tandis que les pires sourds entendaient venir de là-bas la rumeur de massacres sans équivalent quantitatif dans l'histoire de l'humanité, nazisme compris. Votre petite erreur d'appréciation, reconnue bien des années plus tard, vous a rendu naturellement très regardant sur la question des droits de l'homme en Chine, et l'on comprend que vous tanciez Ségolène, qui manque un peu de virulence dans sa condamnation du régime de Pékin. Vous savez de quoi vous parlez.

J'ai passé ma vie, vous récrierez-vous, à combattre les tyrans : Saddam, Poutine... C'est vrai. Vous frappez à la tête, toujours. Vous n'êtes à votre aise que dans le voisinage fantasmé des puissants de ce monde, que vous vous plaisez à considérer comme vos interlocuteurs - pour les encourager ou pour les affronter en des joutes terribles.

Nous sommes désormais habitués aux combats menés pour la galerie cathodique par les titans de la pensée française. Moi et George Bush, moi et Saddam, moi et Sharon, moi et Bouteflika, moi et le Che, moi et le pape, moi et Fidel, moi et Mitterrand, moi et de Gaulle. Un peu comme Nicolas, en somme, ce Nicolas dont vous faites sans rire un descendant d'Hugo et de "la France du coeur", en référence sans doute aux Restos du même nom, où il envoie ses pandores effectuer des rafles, sûrs qu'ils sont de trouver autour des gamelles de soupe leur ration de sans-papiers ; ce Nicolas héritier de Jaurès qui prône la restriction du droit de grève et le démantèlement du code du travail ; ce Nicolas qui glorifie l'abbé Pierre tout en faisant cueillir par ses gendarmes des enfants trop foncés dans les salles de classe.

Mais tout cela, n'est-ce pas, se passe dans ce minuscule Hexagone que vos regards dédaignent.

Votre jeunesse s'est vouée à d'horribles idoles, cependant vos égarements passés ne vous empêchent pas de prétendre continuer à éduquer le peuple. Comme hier, il vous faut un puissant à aduler, un méchant à honnir, et des oreilles complaisantes pour y déverser vos vastes théories. La gauche française s'est misérablement "repliée sur l'Hexagone". Que n'a-t-elle pris exemple sur vous, qui arpentez d'un pas martial la planète en flammes ! On vous a vu, avec quelques-uns de vos camarades, parader devant les chars américains qui partaient écrabouiller une armée de gamins irakiens munis de pétoires, pour la plus grande gloire de l'Occident chrétien, dont vous êtes devenu un apôtre ardent (et pour le plus grand bénéfice des islamistes qui sont votre prochaine cible. Tremble, Oussama !).

Quelques années après, quelques dizaines de milliers de cadavres après, alors que l'Irak s'enfonce dans un chaos dont nul ne voit la fin, debout sur les ruines, vous continuez de vous féliciter de cet engagement : n'êtes-vous pas venu à bout de l'infâme despote ? Nous en reparlerons - pardon, vous en reparlerez - dans trois ou cinq ans : deux regrets, trois anathèmes, et quelque glorieux combat à proposer aux populations endormies. On est impatient de découvrir quel nouveau grand homme vous aurez choisi alors.

*Jean-Marie Laclavetine est écrivain.

Sources Le Monde

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7 février 2007 3 07 /02 /février /2007 13:54

Une analyse du recours à l'histoire dans le discours politique publiée sur le site du Comité de vigilance du recours à l'histoire

http://cvuh.free.fr

Les usages de l'histoire dans le discours public de Nicolas Sarkozy

par Gérard Noiriel (EHESS)

Dans le discours qu'il a tenu à Poitiers le 26 janvier dernier, le candidat de l'UMP à l'élection présidentielle s'est présenté comme l'héritier de Jean Jaurès et de Léon Blum. Cette « captation d'héritage » est une bonne illustration des formes que prennent les usages publics de l'histoire dans la France d'aujourd'hui. Le problème n'est pas tant que les politiques puissent « récupérer » les héros du passé pour tenter de grandir leur stature de présidentiable. Ce phénomène n'est pas nouveau. Il est même constitutif de la mémoire politique. Dans ce type de compétition, en effet, les candidats ne peuvent espérer l'emporter que s'ils glanent des voix au-delà de leur propre camp, ce qui les incite à parler au nom de la nation toute entière en cherchant des références historiques consensuelles.


Jaurès plutôt que de Gaulle

Ce qui est inédit (à ma connaissance), c'est le fait que le leader de la droite ait pu se présenter publiquement comme l'héritier des chefs historiques de la gauche. Pour comprendre la fonction de ces références, il faut lire de près le discours de Poitiers. Ce qui frappe, c'est d'abord la faible place accordée à la Révolution française. Alors que jusqu'à une période récente, tout homme politique cherchant à présenter sa candidature comme un moment historique pour la Nation se situait dans le prolongement de cet événement fondateur, celui-ci n'est mentionné ici qu'une seule fois et encore, est-ce par le biais d'une citation de Napoléon Ier évoquant « l'achèvement de la Révolution ». Ensuite, ce qui étonne dans les références/révérences du discours de Poitiers, c'est la marginalisation du général de Gaulle, qui était pourtant la figure centrale des récits mémoriels de la droite dont l'UMP est l'héritière. Certes, le général est présent dans la galerie des glorieux ancêtres dont se réclame le candidat, mais il n'est cité que 3 fois, alors que Jean Jaurès est cité 7 fois !

Je ferai l'hypothèse que ce nouveau système de références historiques illustre les contraintes auxquelles les professionnels de la politique sont confrontés aujourd'hui, dans un monde où la « démocratie de partis » a cédé la place à la « démocratie du public » (pour reprendre les formulations du philosophe Bernard Manin). Soumis à la loi des sondages et des médias, le candidat à la présidentielle ne cherche plus à se situer dans le prolongement d'une tradition politique précise. Il n'a plus besoin de conforter la mémoire et l'identité collectives de son propre camp, en rappelant les luttes héroïques menées autrefois par les « camarades » ou les « compagnons », ce qui était auparavant indispensable pour mobiliser ses troupes en vue du combat politique à venir. Ce qui compte, désormais, c'est de peaufiner une image, en fonction des directives données par les conseillers en communication qui font partie du « staff » de campagne.

Mais ces conseillers, mauvais sociologues, ont commis une erreur dans la phase de « pré-campagne », en incitant leur chef à durcir son discours sécuritaire avec des mots comme « racaille », que l'ensemble des jeunes des classes populaires ont ressenti comme une insulte. Le candidat de la droite doit donc « recentrer » son profil (« j'ai changé ») et faire dans le « social » en se présentant comme l'héritier de la gauche.


Remarques sur la logique symbolique de panthéonisation des hommes politiques

Pour approfondir l'analyse sur l'usage de l'histoire de France dans ce discours, je dirais qu'il illustre la logique symbolique de la « panthéonisation ». Le candidat consacre les grands personnages qui ont pour fonction de le consacrer.

C'est, là aussi, un type d'usage public de l'histoire classique chez les professionnels de la politique. Comme l'a montré Maurice Agulhon dans ses travaux sur la symbolique républicaine, en France la logique mémorielle s'est toujours heurtée à une difficulté particulière, car les politiciens n'ont jamais pu se réclamer de « pères fondateurs » unanimement reconnus, comme George Washington ou Thomas Jefferson aux Etats-Unis.

En conséquence, lorsque la grande figure de référence que mobilisait l'un ou l'autre camp s'efface ou lorsque, pour des raisons de rivalités internes à son propre camp, le candidat ne peut plus se l'approprier aisément, comme c'est le cas ici avec le général de Gaulle, il n'y a plus de personnages historiques disponibles pour incarner le consensus national.

C'est la raison pour laquelle le candidat de l'UMP est contraint aujourd'hui d'intégrer dans son cercle des héros nationaux disparus, des figures venues de droite comme de gauche.

Le récit mémoriel a pour fonction de gommer leur appartenance partisane, pour persuader le public que leur qualité première tenait justement au fait qu'ils avaient su dépasser les limites de leur parti. C'est le principal critère qui permet au candidat de l'UMP de rassembler dans son Panthéon personnel des hommes politiques aussi différents que Napoléon, Jaurès, Clemenceau, de Gaulle, et même Mitterrand. La même logique est à l'oeuvre à propos des intellectuels et des écrivains puisque Charles Péguy, Marc Bloch (relu et corrigé par Pierre Nora) et Jean d'Ormesson sont évoqués comme références consensuelles.

Ce discours mémoriel a donc pour première fonction de convaincre le grand public que le candidat de l'UMP est le digne héritier de ces héros nationaux. Mais il a aussi pour but de fabriquer un consensus occultant les rapports de pouvoir et les luttes sociales. Le discours de Poitiers est une sorte de Disneyland de l'histoire dans lequel il n'y a que des gentils, des hommes bons. La « captation d'héritage » est aussi un détournement destiné a occulté le fait que les leaders du mouvement ouvrier, comme Jaurès et Blum, ont été avant tout des militants, au coeur des combats politiques de leur temps. Le candidat de l'UMP n'hésite pas à faire référence au Front Populaire : « J'ai cité Léon Blum parce que je me sens l'héritier de l'enfant qui en 1936 grâce aux congés payés jette sur la mer son premier regard émerveillé et entend prononcer pour la première fois le mot « vacances ».

Ce qui est suggéré dans cette citation, c'est que le leader de la SFIO et le chef du gouvernement du Front Populaire aurait « donné » deux semaines de congés payés aux ouvriers parce que c'était un homme bon et humain, qui voulait que les travailleurs voient la mer. Le fait historique qui est totalement oublié ici, c'est que les congés pays ont été un acquis du formidable mouvement de grèves de mai-juin 1936. C'est le résultat de la lutte des classes et d'une mobilisation sans précédent des ouvriers contre le patronat. Mais évidemment ce fait historique là, le candidat des milieux d'affaire est obligé de le passer sous silence puisque, dans le même discours, il dénonce explicitement « ceux qui attisent encore la lutte des classes ». Il faut reconnaître que les assistants qui ont écrit le discours du candidat ne manquent pas d'imagination. Dans leur récit, Georges Clemenceau, le ministre de l'Intérieur qui a envoyé la troupe contre les grévistes en 1907-1908, cohabite pacifiquement avec son plus farouche adversaire politique, Jean Jaurès, le directeur de l'Humanité, qui dénonçait le « premier flic de France » et le « briseur de grèves ».


L'anti-repentance et ses contradictions

Je voudrais m'arrêter un peu plus longuement sur un autre usage de l'histoire qu'illustre le discours de Poitiers. Il concerne le thème de l'anti-repentance. Le candidat à la présidentielle écrit en effet : « Je veux dire à tous les Français que nous sommes les héritiers d'une seule et même histoire dont nous avons toutes les raisons d'être fiers. Si on aime la France, on doit assumer son histoire et celle de tous les Français qui ont fait de la France une grande nation ». Ce propos doit être relié à celui qu'il avait tenu peu de temps auparavant (14 janvier 2007) : "Au bout du chemin de la repentance et de la détestation de soi, il y a, ne nous trompons pas, le communautarisme et la loi des tribus".

Nous voyons là s'esquisser un thème de campagne que le candidat de la droite cherche à utiliser pour discréditer le camp d'en face, en affirmant : « Ce que je sais, c'est que la gauche qui proclame que l'Ancien régime ce n'est pas la France, que les Croisades ce n'est pas la France, que la chrétienté ce n'est pas la France, que la droite ce n'est pas la France. Cette gauche là je l'ai accusée, je l'accuse de nouveau de communautarisme historique ».

Ce passage est particulièrement intéressant à décrypter si l'on veut comprendre comment les politiciens utilisent aujourd'hui l'histoire dans leur propagande et les contradictions auxquelles ils se heurtent (ou risquent de se heurter). Tout d'abord, on constate que l'anti-repentance est l'une des principales grilles de lecture qu'utilise le candidat pour « repenser » l'histoire de France. Par exemple, dans le passage où sont évoquées les persécutions dont ont été victimes Léon Blum et Georges Mandel, il n'y a pas un seul mot pour souligner les responsabilités du régime de Vichy et de la milice. Les seuls coupables explicitement désignés, ce sont les agents de la Gestapo ! Finis les discours sur les mauvais Français et sur la responsabilité de l'Etat français. On a le sentiment d'en revenir à une histoire pré-paxtonienne (et aussi pré-chiraquienne) de Vichy.

C'est aussi la logique de l'anti-repentance qui conduit le candidat non pas à ignorer la colonisation, mais bel et bien à l'assumer. Le discours de Poitiers revient, d'une manière indirecte, à l'affirmation du « bilan positif » de la colonisation (même si le mot n'est jamais employé), en affirmant que nous devons être fiers des croisades et en plaçant le maréchal Lyautey au coeur d'un Panthéon dans lequel ne figurent aucun Français issu de l'immigration ou des peuples colonisés.

Une autre lacune montre clairement où mène le discours anti-repentance. C'est l'absence totale des figures féminines dans la galerie des héros dont se réclame le candidat de l'UMP. Nous avons ici une illustration limpide des analyses de Michèle Riot-Sarcey sur l'absence des femmes dans la mémoire des hommes politiques de ce pays. Au-delà de l'effet anti-repentance, on peut penser que, dans le contexte de la présidentielle 2007, le candidat UMP a jugé stratégiquement préférable de souligner les attributs virils de Marianne.


Un nouveau concept : le « communautarisme historique »

Dans le passage consacré à l'anti-repentance, on constate aussi que le candidat UMP a forgé un nouveau « concept », inconnu jusqu'ici des historiens, celui de « communautarisme historique ». Je doute qu'il laisse sa marque dans l'histoire de la pensée, mais ce n'était pas le but visé par son auteur. Il s'agissait de marquer l'opinion, en utilisant des formules choc. Il faut se souvenir, en effet, que dans un monde dominé par les sondages, ce ne sont pas les arguments rationnels qui comptent, mais les formules permettant de conforter le sens commun en jouant sur des réflexes et des associations d'idées. La mise en équivalence entre gauche et communautarisme se fait ici grâce à toute une série d'amalgames dont la fonction principale est d'imposer l'idée que la gauche représente l'anti-France. Ce type de rhétorique n'est pas vraiment nouveau, lui non plus. A partir du moment où l'un des deux camps du champ politique se présente comme le représentant de la France toute entière, par définition le camp adverse doit être assimilé à l'anti-France.

Dans le langage polémique actuel, les ennemis de la République et de la France, ce sont les « communautaristes ». Ce terme ne désigne plus rien de précis et fonctionne comme une insulte ou un stigmate très efficace pour discréditer des concurrents. Le simple fait de rappeler que la politique est toujours un enjeu de luttes, qu'elle est fondée sur des rapports de force ; le simple fait de rattacher un programme politique à la tradition de pensée dont il est issu, peut donc désormais être vu comme un délit de « communautarisme historique ».

En utilisant ce type d'anathème pour discréditer ses adversaires politiques, le candidat de l'UMP persiste dans la même rhétorique que celle qu'il avait déjà mobilisée lors des violences de novembre 2005. Parler de « communautarisme historique » pour disqualifier ceux qui défendent la posture de la repentance, c'est la même chose que dénoncer la « racaille » dans les conflits sociaux. C'est utiliser des références propres à un domaine, pour les plaquer sur un autre. Dans les deux cas, il s'agit de criminaliser des points de vue concurrents pour mieux les discréditer.

Le candidat fait beaucoup d'efforts pour persuader les citoyens qu'il a changé depuis novembre 2005. Mais sa manière d'argumenter montre le contraire. Au-delà de la personne elle-même, ces constantes s'expliquent par les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur l'action politique. Pour mobiliser son électorat, le candidat de la droite doit utiliser un vocabulaire et des références que j'appelle national-sécuritaires. Dans le discours de Poitiers, on voit parfaitement le lien entre la dénonciation de la repentance et la stigmatisation de l'immigration. Comme j'ai tenté de le montrer dans un livre à paraître 1, depuis les débuts de la IIIe République, le discours de la droite républicaine sur l'immigration reproduit toujours la même argumentation. On la retrouve intégralement dans le discours de Poitiers. Le candidat de l'UMP commence par rappeler son attachement aux « droits de l'homme ». Ensuite, la « chasse aux clandestins » est présentée comme une mesure destinée à défendre les immigrés eux-mêmes contre « les marchands de sommeil et des passeurs sans scrupule qui n'hésitent pas à mettre en danger la vie des pauvres malheureux dont ils exploitent la détresse ». Enfin, nous arrivons au coeur du propos, qui énumère la longue litanie des stéréotypes du moment sur les immigrants, visant à dénoncer ceux « qui ne respectent pas nos valeurs » ; « ceux qui veulent soumettre leur femme, ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l'excision ou le mariage forcé, ceux qui veulent imposer à leurs soeurs la loi des grands frères, ceux qui ne veulent pas que leur femme s'habille comme elle le souhaite ».

Ce discours national-sécuritaire a pour fonction de mobiliser l'électorat clairement positionné à droite, mais il ne permet pas d'imposer l'image du rassembleur « qui a changé ». C'est la raison pour laquelle, il fallait procéder à une sorte de provocation mémorielle, en se référant à Jaurès et à Blum, pour alimenter la chronique politique sur le thème du « changement ».





Note :

1. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe-XXe siècle), Paris, Fayard, mars 2007.


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6 février 2007 2 06 /02 /février /2007 17:37
Appel : « Pourquoi nous consentons à l’impôt »


Nous, soussignés, assujettis à l’impôt sur le revenu, et pour certains d’entre nous, à l’impôt de solidarité sur la fortune, considérons ces prélèvements comme légitimes et sommes fiers d’apporter ainsi notre contribution aux dépenses publiques nécessaires au progrès, à la cohésion sociale et à la sécurité de la nation. Nous considérons également qu’un impôt progressif sur les successions est le corollaire indispensable des libertés économiques offertes par l’économie de marché. Le marché est facteur de progrès parce qu’il permet à l’esprit d’entreprise de s’exprimer. Mais les inégalités qu’il engendre sont mortifères pour la démocratie si aucune limite n’est mise à la transmission héréditaire de la richesse. Celle-ci doit être acquise par le travail, par le talent, et non par le simple fait d’avoir hérité de ses parents. Une société où le pouvoir économique se transmet par héritage, est une société condamnée à une croissance lente, où les rentiers l’emportent sur les créateurs et où travail et mérite perdent toute valeur.
L’Etat doit bien sûr savoir se réformer. Augmenter les impôts n’est pas une fin en soi et la liberté de chacun passe par la libre disposition d’une large part du fruit de son travail. Mais voir des candidats à la magistrature suprême proposer des mesures démagogiques en matière fiscale et justifier la sécession sociale des plus riches nous consterne. Car nos revenus ne proviennent pas seulement de notre talent personnel. Ils ont été acquis par notre travail, mais celui-ci ne porterait pas ses fruits sans le stock d’infrastructures, d’innovations, de savoir-faire, de goût d’entreprendre, de lien social, qui nous a été transmis par les générations qui nous ont précédés. C’est cet héritage commun qu’il nous revient de préserver et de développer en priorité afin d’assurer la qualité actuelle et future de notre vie individuelle et collective. Ce qui passe par un niveau élevé de dépenses publiques. Ces dépenses ne sont pas seulement un coût, elles sont aussi un investissement, gage à la fois de justice et de dynamisme. C’est pourquoi nous consentons à l’impôt et récusons des baisses de la fiscalité dont la contrepartie serait l’insuffisance des moyens donnés à la protection sociale des plus pauvres, à l’éducation, à la recherche, à la santé, au logement ou encore à l’environnement.
Cet appel est lancé par le mensuel "Alternatives économiques".
Si vous voulez le signer, utilisez le lien ci-dessous
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 18:48
La démocratie doit tendre vers son plein accomplissement !

Par Edgard Pisani

Ancien Ministre

Ancien Haut Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Tribune parue dans Le Monde

www.vivelarevolte.com

La démocratie est menacée ; moins par les dictatures que par des pratiques qui lui font perdre son génie. Etat de droit garantissant la liberté et l'égalité des citoyens, fondé sur l'élection populaire, alimenté par le libre débat, rythmé par l'alternance de forces qui sont d'accord pour travailler ensemble malgré leurs désaccords, elle est civilisation.

Les crises afghane et irakienne partent, l'une et l'autre, de transplantations que l'on a justifiées en proclamant que la démocratie est, en soi, un remède au sous-développement, à la guerre civile, à la dictature, alors que, plus que la source de la paix et du progrès, elle en est l'objectif et le couronnement. On a lancé un processus mécaniste alors que la naissance et l'épanouissement de la démocratie obéissent à des lois biologiques. Il n'est pas de vraie démocratie qui ne soit autochtone.

Observons la Russie, qui, adoptant par mimétisme les principes républicains, connaît aujourd'hui encore les nostalgies de l'autorité et les spasmes d'un accouchement douloureux et incertain. Observons l'Afrique, où des indépendances âgées d'un demi-siècle n'ont pas toujours donné naissance à la paix et à la prospérité. Soyons attentifs à l'évolution de la Chine, où chaque jour nous révèle la difficile naissance de la liberté. Allons en Amérique du Sud, au Mexique par exemple, où des indépendances séculaires parviennent mal à mettre sur pied des régimes accordant la libre expression aux réalités culturelles, sociales, ethniques, nationales. Seule l'Inde parviendra peut-être sans drame à une vraie démocratie associant unité et diversité dans un pays-continent.

Arrêtons-nous un instant dans ce Moyen-Orient, sur lequel le malheur semble s'acharner. Région majeure de l'islam, il est tiraillé entre les prescriptions du Prophète et les attentes de populations qui, souvent très évoluées, aspirent à la réforme, à la Nahda - la renaissance intellectuelle - reconnaissant aux croyants un libre accès aux Ecritures que les clercs entendent interpréter seuls. Et lorsque, d'aventure, le peuple palestinien élit dans l'ordre son Assemblée nationale, un voisin peut, sans être condamné par la communauté internationale, intervenir parce que la majorité élue ne lui convient pas !

Prétendant détenir les secrets de la démocratie et, donc, du bonheur civique, l'Occident peut-il se donner en modèle quand les campagnes pervertissent l'élection et quand le débat parlementaire y est plus souvent un affrontement qu'une recherche contradictoire ?

Nous venons d'avoir ou avons sous les yeux les campagnes électorales de deux des pays fondateurs de la démocratie. Aux Etats-Unis comme en France, médusés, amusés, irrités, complices, les citoyens ont assisté ou assistent à une campagne où le spectacle a le pas sur l'argument. Or si celui-ci ne coûte guère, celui-là demande des moyens financiers qui dépassent de beaucoup les avoirs ou les revenus des candidats comme les cotisations des militants. On ne peut donc s'empêcher de penser que des moyens ont été fournis qui risquent de ne pas être désintéressés. Les ressources dont on accuse trop aisément les élus ne leur profitent pas personnellement, elles représentent le coût d'un spectacle désormais inévitable.

Mais il y a pire : telles qu'elles se déroulent sous nos yeux, les campagnes sont des joutes, elles ne sont pas de vrais débats, elles tendent à séduire hic et nunc l'électeur plus qu'elles ne cherchent à convaincre le citoyen ou à répondre vraiment aux besoins et attentes de la société et des personnes humaines qui la composent. A les suivre, on ne peut pas ne pas se dire qu'il ne s'agit plus d'opposer des voies et moyens qui, différents, tendent à réaliser le même "bien commun", mais plutôt de deux biens communs incompatibles.

Dans la bataille électorale et le débat parlementaire, les élus ne cherchent pas ensemble, chacun cherche contre l'autre. Or il est clair qu'en leur état présent, l'Amérique et la France ont des problèmes qui, aussi différents soient-ils, ne pourront, ni ici ni là, être sagement résolus par une majorité contre une minorité. Ils ne peuvent l'être que par une médiation entre intérêts et points de vue différents. Ainsi la guerre d'Irak, ainsi notre faible croissance.

La démocratie doit tendre vers son plein accomplissement : elle est débat et non mise à mort, elle est alternance et ignore toute lutte finale, elle est règle de droit pour la nation comme pour l'individu, elle est civilisation humaine trop humaine qui doit être administrée comme un être qui, de chute en chute, est indéfiniment perfectible.

Edgard Pisani
 
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